Entre fermeté et conciliation, le nouveau président égyptien tente de se trouver une stature d'homme d'Etat Pacte entre islamistes et militaires, ou ruse des militaires? Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans, est le nouveau président de l'Egypte. Bénéficiaire d'une légitimité électorale inédite, M.Morsi, est le premier civil à accéder à la magistrature suprême, dans un pays où tous les présidents sont venus de l'armée depuis la chute de la monarchie en 1952. Il est aussi le premier à remporter une victoire en passant par les urnes, après des décennies de votes conçus comme des plébiscites, aux résultats connus d'avance. Reste que, pour le moment M.Morsi est certes président, mais président avec des prérogatives et un pouvoir inconnus. La déclaration «d'illégal» du mode électorale par la justice a entraîné la dissolution du Parlement, dominé par les islamistes, par le Conseil suprême des forces armées (Csfa) qui s'octroie (provisoirement?) la gestion législative du pays. Ce précédent à été stigmatisée et qualifié de coup d'Etat constitutionnel par les islamistes. Depuis, sur le plan politique, la situation se complique. Défiant les militaires, l'assemblée constituante égyptienne s'est réunie pour la première fois hier au Caire, dans le bâtiment du Parlement dissous. Cette assemblée de cent membres, désignée par le défunt Parlement jugé illégal par la justice égyptienne, garde pour objectif la rédaction d'une nouvelle constitution dans le cadre du processus de transition. Cette assemblée a même choisi pour la présider le juge Hossam el Gheriani, qui dirige le Conseil suprême de la justice et la Cour de cassation, connu pour sa probité et son impartialité. Reprenant les rênes dimanche, le Conseil suprême des forces armées (CSFA) qui dirige le pays depuis la chute du président Hosni Moubarak, a publié un décret qui lui octroie les pouvoirs législatifs et l'autorise si nécessaire à désigner une nouvelle assemblée constituante. C'est par conséquence ce dernier qui décidera du processus et des acteurs qui auront pour rôle de rédiger une Constitution pour l'Egypte post-Moubarak. Petites précisions: le haut conseil militaire qui doit remettre d'ici la fin de la semaine les clés de l'exécutif au nouveau président se réserve le pouvoir donc législatif. Dans les faits, cela se traduira par un droit de veto des militaires sur tout projet de loi et sur le budget du pays. Le Csfa conserve également un droit de regard sur la rédaction de la future Constitution, verrouillant, notamment s'il le souhaite, toute velléité d'étendre la référence à la charia dans la loi fondamentale. La sécurité restera partagée entre l'armée -qui vient de se voir ré-attribuer le droit d'arrêter des civils- et une police encore largement dirigée par des hommes de l'ancien régime. Pacte entre islamistes et militaires, ou ruse des militaires qui ont donné satisfaction aux islamistes en leur concédant la présidence d'un pays au régime encore indéfini? Une question qui reste pour le moment posé, mais dont la réponse ne tardera pas à être décelée et ce, à la fin de la période de transition, lors de l'adoption de la future Constitution. Il faut néanmoins garder à l'esprit que l'enjeu est tel que l'armée ne prendra pas le risque d'octroyer aux islamistes les pleins pouvoirs. Enjeux financiers, économiques et militaires; des marchés exclusivement entre les mains des militaires, qui planifient scrupuleusement et dans les moindres détails un système politique qui protègera leurs intérêts et leur influence. Pendant ce temps, les frères musulmans ne se tournent pas les pouces. Conscients des aspirations de la gente militaire, M.Morsi joue, lui aussi, ses cartes. Dans un premier temps il agite la carte du nouveau maître à bord, aimant et juste. Il a dans ce sens promis d'être le «président de tous les Egyptiens». Il a par la suite rejeté la récente déclaration constitutionnelle du Conseil suprême des forces armées (Csfa), «Le Conseil suprême des forces armées n'a pas le droit de modifier la Constitution et je rejette la déclaration constitutionnelle qui limite les prérogatives du président de la République», a déclaré M.Morsi, appelant le Csfa à quitter «immédiatement le pouvoir». Il a également prôné un renforcement des relations entre l'Iran et l'Egypte, rompues depuis plus de 30 ans. Le renforcement des relations entre l'Iran et l'Egypte «créera un équilibre stratégique régional et fait partie de mon programme», a déclaré M.Morsi dans une interview, dimanche, à l'agence iranienne Fars, quelques heures avant l'annonce officielle de sa victoire à l'élection présidentielle. Un rapprochement qui risque de basculer l'échiquier géostratégique de la région. M.Morsi a surtout ajouté que l'Egypte allait «réviser les accords de Camp David» qui ont établi la paix avec Israël. Une déclaration qui inquiète Israël, soucieuse de maintenir le statu quo dans la région. Ajoutant que «notre politique à l'égard d'Israël sera basée sur l'égalité, car nous ne sommes pas inférieurs à eux. Nous discuterons du droit des Palestiniens car cela est très important».