Le seul système de régulation du marché auquel croient les Algériens n'est autre que leur... congélateur, le recours aux stocks et aux salaisons. Le Ramadan approche à grands pas, les prix des produits alimentaires flambent encore plus vite. Ça devrait donc être la panique chez les foyers! Eh bien, détrompez-vous, le spectre de l'augmentation n'effraye plus les ménages! Sachant que la flambée des prix est inévitable durant cette période de surconsommation, les Algériens ont trouvé la parade. Celle-ci consiste ni plus ni moins qu'en l'art de la débrouille. Une vertu innée qui permet aux Algériens de sortir la tête de l'eau en toutes circonstances. Mais comment applique-t-il cet art pour parer à la flambée des prix des produits alimentaires? Une petite virée dans les marchés de la capitale nous permet de découvrir ces «procédés» révolutionnaires les uns plus que les autres...«La flambée des prix ce n'est plus quelque chose qui occupe mon esprit», nous confie Khalti Ouiza, une sexagénaire rencontrée au marché de Bachdjarah. Mais qu'est-ce qui la rend aussi confiante? Les dispositions prises par l'Etat pour réguler le marché? «Absolument pas! Je ne crois plus aux promesses de l'Etat concernant la régulation des marchés. C'est du pipeau, cela fait des siècles qu'ils nous bassinent avec leurs promesses en vain», assure-t-elle. Le seul moyen de régulation du marché auquel Khalti Ouiza croit, n'est autre que son...congélateur. «J'ai mon propre système de régulation qui consiste à acheter les produits, qui peuvent être conservés au freezer, à leur plus bas prix afin de constituer un stock qui m'aidera à passer le mois de Ramadhan sans embûche», nous confie-t-elle. «20 kilos de tomates, 8 kilos de citrons...», a demandé Fadila à un marchand à la sauvette. «Et vous, la flambée des prix durant le Ramadhan, vous inquiète-t-elle?», nous posons comme «colle» à cette femme qui semblait s'approvisionner pour aller faire la guerre. «Oui, je vais faire la guerre du carême», ironise-t-elle. «Je prépare mes stocks pour le Ramadhan et là je suis très en retard car les prix ne sont pas à leur plus bas. J'aurais dû m'y prendre plus tôt», ajoute-t-elle avant de se faire couper la parole par le marchand qui confirme que beaucoup de ses clients achètent des provisions pour les congeler en prévision du mois sacré. «Les agrumes ont particulièrement été prisés cette année car ils se conservent bien et il y a eu une bonne récolte qui a fait dégringoler les prix», souligne ce jeune à la petite camionnette de marque chinoise. Le système D, comment ça marche? Il précise même que sa mère à utilisé le même procédé pour que la famille arrive à joindre les deux bouts durant le mois de Ramdhan qui s'annonce chaud dans tous les sens du terme. Les Algériens ont donc réussi à déjouer le piège du mois de la saignée grâce à l'art de la débrouille. Mais en réalité, comment ce système D marche-t-il exactement? «Pour ma part, c'est les tomates que je congèle. Il y a ceux qui les travaillent en les épluchant mais on peut aussi les mettre directement en boule dans des gobelets en plastique», explique Safia. «On congèle aussi les petits pois en les mettant directement au "congélo"», poursuit-elle. «C'est également le cas pour les poivrons que l'ont fait griller avant de les mettre au congélateur», atteste-t-elle. Pour son amie Djamila, c'est les choux et les choux-fleurs qu'elle congèle. «Avant, je les mets à blanchir à l'eau pendant quelques minutes», explique-t-elle. Les artichauts ne sont pas en reste puisque eux aussi ont le droit à un passage à l'âge de glace. «On les nettoie, on enlève leurs feuilles avant de les faire macérer au citron. Après la macération, le tour est joué», certifie-t-elle. En parlant de citron, ce produit indispensable pour un bon bourék et une bonne chorba, il est également conservé d'une façon des plus ingénieuses. «Les prix de ce produit ont tendance à atteindre des sommets pendant le mois sacré, c'est pour cela que les Algériens ont trouvé un moyen pour éviter d'acheter ce produit qui coûte à peine 25 dinars en temps normal, dix fois plus pendant le Ramadhan», argumente-t-elle. «Pour être conservé, le citron est pressé en jus qui, lui, est versé dans les bacs à glaçons pour être congelé», confie-t-elle. «Cette méthode nous permet d'avoir des cubes de citrons pour arroser nos plats préférés», garantit Djamila qui précise toutefois que ce n'est pas seulement à cause des prix que ces légumes sont congelés, mais c'est également pour avoir des légumes d'hiver en été... La viande a elle aussi droit à sa cure de congélation. Ne faisant pas confiance aux méthodes de conservation des vendeurs de viande congelée, certains foyers congèlent eux-mêmes leur viande, qu'elle soit blanche ou rouge. «Les prix de la viande flambent durant le mois de Ramadhan, et les vendeurs de viande congelée ne respectent pas la chaîne du froid, cela nous contraint à congeler notre viande», rapporte pour sa part Fadel, un père de famille qui regrette cependant le laisser-aller des autorités qui ne sont même pas capables de stabiliser les prix. D'autres ménages, par contre, optent pour des méthodes de conservation des viandes plus ancestrales comme la salaison. Le congélateur est donc devenu l'ami fidèle des ménages durant le mois de Ramadhan. Une tendance qui est confirmée par les vendeurs de l'électroménager du Hamiz. «Chaque année, la vente de congélateurs augmente à l'approche du Ramadhan, nous mettons donc le paquet sur ce produit», font-ils comme constat. «Les gens préfèrent investir dans un freezer qui va durer que de gaspiller cet argent en payant la nourriture, le double voire le triple de son prix», conclut un de ces commerçants qui se dit aussi adepte de la méthode «congélos». Voilà donc comment un peuple qui ne croit plus aux promesses de ses dirigeants arrive à se débrouiller! Le système D, c'est toute l'histoire de l'Algérie...