«Une éventuelle reconquête du Nord-Mali serait une entreprise très lourde pour la Cédéao.» Quelques jours seulement après que les hauts responsables français aient exprimé la position de leur pays favorable à une intervention armée étrangère au Nord du Mali, les Américains réagissent et mettent leur veto à une telle opération. «Une éventuelle reconquête du Nord-Mali serait une entreprise très lourde pour la Cédéao», a averti le secrétaire d'Etat adjoint américain chargé des Questions africaines, Johnnie Carson lors d'une récente audition au Congrès. Il a estimé qu'une «éventuelle mission dans cette partie du pays devrait être préparée très soigneusement et disposer de ressources en conséquence». La Cédéao dont les dirigeants se sont réunis, vendredi dernier à Yamoussoukro en Côte d'Ivoire, s'est dite prête à envoyer un contingent de 3000 hommes au Mali, mais sans l'appui de l'Union africaine, des instances internationales et des grandes puissances comme la France et les Etats-Unis, cette initiative risque de tomber à l'eau. Il est utile de souligner que le Conseil de sécurité de l'ONU avait déjà demandé à la Cédéao de revoir sa copie. L'extrême prudence avec laquelle le Conseil de sécurité est en train de gérer le dossier malien reflète clairement la domination américaine au sein de cette structure. Il n'est pas donc étonnant de constater une sorte de conformité entre les deux positions défavorables, au moins dans le contexte actuel, à une intervention directe au nord du Mali. En estimant que «le contingent de 3000 hommes devrait s'efforcer de stabiliser le sud du pays et ne pas s'aventurer dans le Nord», les Américains n'expriment pas uniquement de simples réserves, mais lancent un sérieux avertissement à peine déguisé à la France dont le soutien à la Cédéao, pour une éventuelle intervention dans le nord du Mali n'est plus à démontrer. En agissant de la sorte, les Américains donnent l'impression de maitriser le dossier mieux que les autres. Derrière cette position qui allie la souplesse et intransigeance, Washington semble accorder la priorité aux activités opérationnelles, limitées et à la collecte du renseignement. Ce travail exigeant une discrétion à toutes épreuves a toujours été efficace dans ce genre de situation. De plus, l'Algérie, une des pièces maîtresses dans cet échiquier refuse de voir ses frontières Sud submergées par des milliers de réfugiés en cas d'intervention étrangère. Algériens et Américains partagent, en effet, le même souci d'empêcher la «somalisation» d'un pays qui risque de menacer la stabilité de tous les pays du Sahel. Mais cet argument ne semble pas convaincre les pays membres de la Cédéao qui ont décidé de l'envoi immédiat d'une mission technique au Mali en prélude au déploiement de la force militaire ouest-africaine du pays. La Cédéao qui a réaffirmé sa résolution a aider le Mali dans le rétablissement de l'autorité de l'Etat sur l'ensemble du territoire, est-elle en mesure de le faire lorsqu'on sait que le nord du pays se trouve entièrement sous l'emprise des terroristes, des réseaux mafieux et des séparatistes touaregs? Pour des raisons qui demeurent inconnues, la France affiche sans état d'âme, son soutien à une telle approche. A l'opposé, l'Algérie nourrit de nombreuses réticences à l'égard d'une initiative qui pourrait aggraver davantage la situation dans un Nord malien soumis au diktat d'une multitude de groupuscules armés infiltrés et travaillant pour le compte de puissances étrangères. Consciente de cet état de fait, l'Algérie a, depuis le début de crise, privilégié la voie de la concertation avec l'ensemble de ses partenaires africains et occidentaux, à leur tête les Etats-Unis.