Le ministre des Affaires étrangères du Burkina Faso, M. Djibril Bassolé, qui a entamé hier une visite de travail à Alger, s'inscrivant dans le cadre des consultations entre son pays et l'Algérie sur la situation au Mali et dans la région du Sahel, a qualifié «d'extrêmement important» le rôle de l'Algérie dans le règlement de la crise malienne. «Le rôle de l'Algérie pour le règlement de la crise au Mali est extrêmement important. Je vais travailler avec mon homologue algérien sur les différents aspects et modalités de ce dossier», a indiqué M. Bassolé à son arrivée à Alger. Le diplomate a exprimé également son souhait de voir la Communauté économique de développement des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) bénéficier de l'«implication de l'Algérie pour la recherche d'une solution stable et durable à la situation au Mali». M. Bassolé a rappelé que la situation actuelle au Mali «secoue les institutions à Bamako et fragilise le rôle du nord de ce pays ainsi que l'ensemble de la bande sahélo-saharienne». «Je viens en Algérie faire le point sur le dossier malien, a-t-il ajouté, car le président burkinabé, M. Blaise Compaoré, a été désigné par ses pairs à la Cédéao comme médiateur dans la crise malienne», a déclaré M. Bassolé. Paradoxalement, tout le monde appelle à une implication de l'Algérie dans la crise malienne mais les auteurs de ces appels font tout pour l'empêcher de jouer son véritable rôle. Pour la simple raison qu'Alger qui refuse que la Cédéao, qui chapeaute les opérations, estime que toute intervention sur le sol malien doit se faire avec un mandat onusien donné à l'Union africaine qui déléguera son pouvoir aux seuls pays du champ (l'Algérie, le Mali, la Mauritanie et le Niger). En fait, Alger sait pertinemment que les opérations échapperont très vite au contrôle de la Cédéao, si cette dernière venait à en prendre les commandes. Lorsque la Cédéao a décidé d'intervenir au Mali, la France a applaudi et le Conseil de sécurité n'a fait aucun commentaire, alors que la France et le Conseil de sécurité savent que la Cédéao n'a ni les moyens ni l'expérience requise pour agir efficacement contre les groupes terroristes sévissant dans le Sahel. La France semble favoriser une action de la Cédéao au Mali et ce en dépit de l'échec cuisant de la première tentative militaire de cette organisation. François Hollande avait déclaré qu'il redoutait l'installation de «groupes terroristes» dans le nord du Mali. Le président français avait réaffirmé le soutien de la France à une éventuelle opération militaire africaine pour les déloger, tout en précisant que cette opération militaire doit être menée par la Cédéao. «Il y a une menace d'installation de groupes terroristes au Nord-Mali (...) Cette menace existe, c'est aux Africains de la conjurer, à eux de décider. La Cédéao en est à la fois l'instrument juridique et l'instrument éventuellement militaire», avait déclaré M. Hollande. Aujourd'hui, Alger est face à des pressions du Burkina Faso, dont le président, désigné par ses pairs de la Cédéao comme médiateur dans la crise malienne, a envoyé son ministre des Affaires étrangères. Il y a aussi le chef en exercice de la Cédéao, Alassane Ouattara, qui s'est déplacé à Alger pour être reçu lundi dernier par le président de la République, Abdelaziz Bouteflika. M. Ouattara avait déclaré qu'Alger «connaît mieux que nous (Cédéao) ce problème. Il y a eu déjà les accords d'Alger signés entre les Maliens». Il s'agit, précisons-le, de l'Accord d'Alger du 4 juillet 2006 pour la restauration de la sécurité dans la région de Kidal (nord-Est du Mali) conclu entre l'aile politique de la rébellion touareg et le gouvernement malien. Ainsi donc, Alger, véritable puissance régionale disposant d'une connaissance avérée du dossier, est sollicité afin d'accorder son feu vert pour une intervention militaire au Nord-Mali, menée dans les faits par des forces de la Cédéao et pilotée par des puissances occidentales. L'Algérie qui maintient son attachement à la non-ingérence et à l'intégrité territoriale du Mali, a d'ailleurs déclaré, une nouvelle fois dimanche dernier, par la voix de son ministre délégué aux Affaires maghrébines et africaines, Abdelkader Messahel, qu'une solution politique négociée est possible pour trouver une issue à la crise au Mali relative à la question des Touareg du Mnla. Dans une conférence de presse conjointe avec le ministre britannique aux Affaires étrangères chargé des Affaires du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, Alistair Burt, qui était en visite en Algérie, M. Messahel a ajouté : «Nous avons toujours privilégié la solution politique. Nous croyons aux vertus du dialogue et dans le dossier particulier de la situation au Mali, il y a toutes les indications qui font croire et penser que la solution politique négociée est possible et nous y travaillons.» Sans répondre directement à la question sur la venue récemment en Algérie d'une délégation d'Ansar Eddine, le groupe islamiste qui occupe le nord du Mali, le ministre délégué a répondu: «Nous avons des contacts avec toutes les parties et à la demande de toutes les parties.» Ce qui confirme, encore une fois, le rôle important de l'Algérie dans la recherche d'une solution à la crise malienne. A signaler enfin qu'au Nord-Mali, la situation se dégrade. Des affrontements ont eu lieu hier à Gao entre des rebelles touareg du Mouvement national de libération de l'Azawad (Mnla) et des islamistes du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao), le groupe dissident d'Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb Islamique) qui a revendiqué l'enlèvement des sept diplomates algériens. H. Y.