La question est désormais prise au sérieux alors que Youcef Yousfi, le ministre de l'Energie, n'exclut pas une réunion extraordinaire de l'Opep. Ce n'est pas le coup de l'éventail mais presque. Les recettes en devises tirées des exportations en hydrocarbures seront insuffisantes pour assurer l'équilibre budgétaire avec les niveaux actuels des cours de l'or noir. La sonnette d'alarme est tirée en guise de mauvaise nouvelle à la veille du coup d'envoi des festivités du Cinquantenaire de l'Indépendance. La marche en avant, qui a été imprimée par le président de la République pour propulser le pays parmi les nations développées, va-t-elle être freinée faute d'avoir pensé que l'Algérie pouvait faire les frais d'une crise de l'économie mondiale qui a déjà mis au tapis la Grèce, l'Italie, l'Espagne, 4e puissance européenne, alors que d'autres pays à l'instar de la France sont dans l'oeil du cyclone? Le pays doit-il se préparer à un plan d'austérité? Le réveil risque, en tous les cas, d'être brutal. L'Algérie dépense trop et vit au-dessus de ses moyens. Le constat ne vient pas de l'extérieur pour y voir la main de l'étranger. C'est bel et bien d'une institution algérienne que provient la mise en garde. «Désormais, l'équilibre budgétaire requiert des niveaux de prix des hydrocarbures supérieurs à 112 dollars le baril pendant que les recettes budgétaires totales restent fortement dépendantes de celles, très volatiles, des hydrocarbures», indique le rapport sur l'évolution économique et monétaire en 2011 présenté, le 1er juillet, par Djamel Benbelkacem, directeur conseiller à la Banque d'Algérie. Il faut rappeler que le coup de semonce a été tiré par Abdelaziz Bouteflika. «J'insiste auprès du gouvernement pour la rationalisation de la dépense publique et la lutte contre le gaspillage des deniers de l'Etat», avait déclaré le président de la République lors d'un dernier Conseil des ministres qui s'est tenu au mois de septembre 2008. La mise en garde des institutions de Bretton Woods lui résonne en écho. Le repli persistant des prix du pétrole provoquerait un fléchissement de la croissance, une hausse du nombre de chômeurs et une réduction forcée des investissements publics, avait prévenu le FMI dans son rapport dévoilé en janvier 2012. Pourquoi? «L'orientation budgétaire expansionniste de ces dernières années a...rendu la situation budgétaire vulnérable aux fluctuations des cours du pétrole, le prix permettant d'équilibrer le budget étant aujourd'hui légèrement supérieur à 100 dollars le baril», avait fait remarquer en début d'année le Fonds monétaire international. Une conjoncture qui est prise au sérieux à tel point que le ministre de l'Energie n'exclut pas une réunion extraordinaire de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep). «Lors de la dernière réunion de l'Opep, il a été convenu que si la dégradation du marché (pétrolier) atteint une certaine limite, il y aura convocation d'une conférence extraordinaire pour étudier les voies et moyens pour corriger ce déséquilibre», a affirmé dimanche à Alger Youcef Yousfi en marge d'une exposition sur les pierres décoratives. L'Algérie, qui donnait l'impression de vouloir faire sa mue après avoir été épargnée par les révoltes arabes, s'est engagé dans un processus de réformes qui doivent tisser le lit de la démocratie et de la justice sociale. Ces deux objectifs ne peuvent être atteints sans une certaine aisance financière encore moins sans une économie forte productrice de richesses. Or, la seule aisance financière sur laquelle s'adosse l'Algérie est bien la rente pétrolière. Une situation qui rend chronique la dépendance de l'économie nationale par rapport aux hydrocarbures, mais qui fait les beaux jours de ceux qui ont la mainmise sur l'import-export. Une conjoncture qui a aussi permis à certains hauts fonctionnaires, directeurs centraux, cadres... d'étaler des trains de vie de nouveaux riches et des biens (voitures, villas, logements...) mal acquis de manière ostentatoire. C'est le cliché renvoyé aujourd'hui. Celui d'une Algérie riche dont la manne pétrolière profite aux prédateurs et dont les lendemains ne font pas peur. Quant aux réformes, elles doivent tout simplement les gêner car elles doivent marquer le tarissement de leur source de revenus et la fin de leur business.