Pour ses concepteurs, la grille 2001-2002 se démarque de la précédente par une volonté, clairement affichée par le premier responsable de la télévision algérienne, de satisfaire au mieux le téléspectateur à l'effet de tenter de le fidéliser, à un moment où il est, pourtant, largement sollicité par des chaînes étrangères autrement plus huppées. S'ils étaient venus en force couvrir l'événement, les nombreux journalistes présents à l'hôtel El-Djazaïr donnaient, cependant, l'impression de méconnaître l'importance d'une grille dans une chaîne de télévision. S'ils l'étaient, certains d'entre eux ne se seraient pas laissés séduire par un argumentaire qui n'a rien à voir avec les préoccupations des téléspectateurs, encore moins avec celles d'un lectorat qui n'a, visiblement, rien à voir avec les idées reçues où le sensationnel l'emporte le plus souvent sur les considérations professionnelles. Très à l'aise, Hamraoui Habib Chaouki, celui qui a été démis et enterré à plusieurs reprises, ne donnait pas du tout l'impression de quelqu'un que d'aucuns tentent, mais en vain, de pousser vers la porte de sortie. Plus offensif que jamais, il expliquera, avec un sens appuyé de la pédagogie, le concept-maison de la «Télévision pour tous» pour mieux pourfendre ses détracteurs et insister sur le fait que l'ensemble de la nation doit trouver sur sa chaîne dominante des programmes conformes à ses centres d'intérêt et à ses aspirations et disposer d'émissions pour s'informer, se distraire et se cultiver conformément aux dix commandements édictés par le cahier des charges. Frileuse, la télévision algérienne le demeure à travers un argumentaire et des techniques d'élaboration d'une grille qui ne sont pas sans exhumer de vieilles recettes soucieuses de satisfaire l'audience maximale. L'indigence des moyens par rapport aux ambitions clairement affichées, pourtant, par les appareils idéologiques d'Etat explique, à l'évidence, la propension à proposer des programmes ratissant large, conformément aux voeux du DG de l'Entv: «Nous avons favorisé des actions allant dans le sens de la prise en charge des préoccupations du public, un public qui, tout en étant au centre de nos projections, est invité à participer activement à certaines de nos émissions». Mais entre le droit de dire et la volonté de faire, il y a comme une ligne de démarcation que les responsables de la chaîne nationale ne parviennent pas à franchir, pour des raisons objectives cela s'entend, liées principalement au fait avéré que le programmateur n'arrive pas à prendre acte du caractère indissociable de l'audience maximale et de la durée de celle-ci dans le temps. Dualité que l'on retrouve, de l'avis même de plusieurs auteurs qui ont eu à se pencher sur la question, dans les indicateurs de mesure d'audience, qui distinguent la pénétration et la durée d'écoute par auditeur. En ces moments de vaches maigres pour les locataires du 21 boulevard des Martyrs, d'aucuns tentent de faire contre mauvaise fortune bon coeur, en misant sur des programmes originaux et attractifs, la fiction, les événements sportifs: ainsi que sur les variétés qui, sans l'ombre d'un doute, continuent à bénéficier des espérances d'audience les plus élevées, à plus forte raison lorsque rien n'est fait pour un habillage attractif de l'écrasante majorité des émissions. Les récents remaniements intervenus à la direction de la programmation sont-ils de nature à insuffler à tous les services la même fièvre de s'approprier l'attention des téléspectateurs, chose aisée à la radio, mais plutôt rare à la télé? De nombreux professionnels le souhaitent vivement, pour peu, soulignent-ils, que les milieux concernés parviennent à un compromis entre les deux stratégies soulignées plus haut. Certains milieux de l'Entv ne cachent pas leur optimisme depuis la promotion d'un enfant de la boîte à la tête de la direction de la programmation. Et ils n'ont pas tout à fait tort en ce que la fonction échappe, désormais, aux impératifs extra-professionnels. La télévision n'a que faire, en effet, d'honorables correspondants ou de personnes propulsées sur la base d'affinités régionalistes et/ou subjectives. Pour son DG, la compétence et l'efficacité sont les seules mamelles de la réussite. Une façon de se démarquer des scories qui ont, jusque-là, sinon hypothéqué, du moins chahuté la croissance rationnelle du média le plus lourd de notre pays et le respect sacro-saint des clauses contenues dans le cahier des charges. «Comment respecter celles-ci tout en proposant une programmation aérée?», n'ont pas manqué de faire remarquer certains journalistes présents à l'Hôtel El-Djazaïr, conscients, par ailleurs, des limites financières de ce même média? La réponse à ce questionnement est donnée par le DG de l'Entv qui ne cache pas son intention de relever le difficile pari «d'algérianiser» le plus possible la chaîne par un apport de programmes de qualité en mesure de répondre aux aspirations du téléspectateur, le respect des rendez-vous de diffusion ce qui est loin d'être une mince affaire, le bon choix des créneaux horaires de diffusion, l'habillage, la promotion et l'autopromotion des programmes, un autre talon d'Achille, et enfin la rediffusion intelligente. Tout cela, dans une conjoncture politique marquée par les prochaines échéances électorales où les partis politiques agréés auront tout le loisir de s'exprimer et de développer des thèses qui participeront pleinement à la conscientisation et à la cohésion nationales. Il va sans dire que cette volonté clairement affichée va doper la surface occupée par les programmes nationaux qui passera à 97h18 min de diffusion hebdomadaire, soit 71,28% du volume global de diffusion, contre seulement 66,26% lors de la précédente grille. Pour les promoteurs de cette nouvelle grille, il va sans dire que l'importation de programmes étrangers intervient comme une heureuse synergie, une alternative à l'indigence de la production nationale, en particulier dans le domaine de la fiction télévisuelle et cinématographique. A ce stade, la démagogie linguistique voit ses jours compromis par une chute sensible des programmes arabes qui vont passer de 25,66% à 18,19% et une légère embellie de la fiction occidentale qui avoisinera 10,53% contre 8,08%. Là aussi, le premier responsable de la télévision semble avoir opté pour la difficulté, à plus forte raison lorsqu'il évalue le montant de sa dette à 370.0000.000 dinars. En termes clairs, donc loin de tout message crypté, la télévision algérienne compte inscrire la problématique de son devenir dans une professionnalisation accrue de son champ d'intervention. Le copinage n'est plus de mise car la «programmation» d'une chaîne correspond à la construction de sa «grille», c'est-à-dire le cadre de son lien avec le téléspectateur. Aux deux extrêmes de la richesse, feront remarquer certains spécialistes, l'activité d'une chaîne se réduit presque à cette construction de la grille. Les mêmes sources rapportent qu'aux Etats-Unis, la programmation est, elle, devenue une discipline, une technique enseignée en tant que telle dans les programmes de broadcasting des universités: «Pour les grandes stations américaines, elle atteint parfois un degré de sophistication très poussé.» En Algérie, cette fonction est assimilée le plus souvent à une quelconque tâche administrative, alors qu'un programmeur est censé être un spécialiste de haut vol, que les grands de l'audiovisuel s'arrachent comme une star, capable de déployer cette merveilleuse alchimie de techniques méthodiques et de feeling pour composer des grilles.