Par quelque bout que l'on prenne le problème, quelle que soit la patience que l'on puisse avoir pour (tenter de) comprendre, on ne conçoit pas, on ne peut concevoir ce qui se passe en Algérie en matière de rétribution du travail. Nous avons déjà eu à aborder ce sujet dans nos précédentes éditions, nous y revenons et y reviendrons autant de fois que cela sera nécessaire. Ce qui se passe incite à s'interroger, voire suscite le doute. En effet, l'écart qui se pratique entre les salaires dans notre pays est absolument inadmissible sans que cela ne semble indisposer outre mesure les autorités publiques. Question de sous? Non, juste un problème de dignité! Est-il concevable qu'un Etat - on ne parle même pas d'Etat de droit -, un Etat qui se respecte, qui respecte ses citoyens, tolère l'existence de telles marges abyssales entre les salariés? Ces salaires à deux vitesses. Comment peut-on admettre que les différences de salaires puissent atteindre de tels gouffres quand un travail est rétribué par 14.000 dinars - il existe encore en 2012 des retraités qui touchent moins de 12.000 dinars par mois - lorsqu'un autre travail se voit attribuer jusqu'à 5.000.000 de dinars? Cela dépasse l'entendement! Aberrant! D'autant plus choquant que les autorités publiques ne semblent pas se préoccuper de ces disparités salariales qui ne peuvent qu'accentuer le malaise dans lequel baigne le pays. D'aucuns, en effet, de s'exclamer: où est l'Etat? Que fait l'Etat pour mettre un terme à ces dissemblances outrageuses? Et c'est là que le bât blesse, lorsque cet Etat est à tout le moins prompt à réprimer les revendications sociales, comme la dernière en date, celle des gardes communaux, dont la marche «non autorisée» a été sèchement réprimée par les forces de police. Des gardes communaux, dont nombreux d'entre eux se sont sacrifiés pour la sécurité du pays, touchent un salaire «mirifique» de 14.000 dinars par mois! Oui, 14.000 dinars par mois! A comparer aux «modestes» 200, 300, voire 400 ou 500 millions par mois octroyés à nos «footballeurs amateurs». C'est cela l'outrage. Surtout lorsque l'Etat feint de n'y voir aucune transgression aux lois et règlements en vigueur en ne prenant pas ses responsabilités de régulateur de la masse salariale comme d'imposer une éthique des salaires, quand nous assistons à des excès qui insultent l'intelligence. Quel travail mérite un salaire d'un demi-milliard par mois? Or, en Algérie, c'est le cas avec l'apparition du faux professionnalisme en football et l'apparition du trabendisme en sport. Un affront pour les Algériens qui triment à longueur d'années sans être sûrs de réunir une telle somme, qu'un footballeur gagne en un mois, en une décennie de travail quand le Snmg (salaire national minimum garanti) reste l'un des plus bas au monde. Il y eut le commerce informel quand des gens partis de rien se sont retrouvés avec des fortunes inouïes, voilà que le football ouvre une autre brèche en pratiquant des salaires surréalistes qui participent à la dépréciation de la monnaie nationale. Il y a quelques années, la Banque d'Algérie relevait que 60 à 80% des «importateurs» n'ont pas d'existence légale. De vrais-faux importateurs avec des noms et des adresses fictifs, inscrits au registre du commerce, mais qui ne peuvent être localisés. Ces faux commerçants brassent des milliards dont ils n'en ristournent aucun centime à l'Etat (en ne payant pas leurs impôts). Mais l'Etat ne semble pas s'inquiéter outre mesure de cet état de fait et ne cherche pas à remonter à la source en réprimant ces atteintes à l'économie nationale. En revanche, sa main est lourde quand il s'agit de condamner le petit malfaiteur, le lambda qui paie pour les requins qui saignent le pays. Des médecins, des professeurs, des avocats, les travailleurs en général se font tabasser quand ils réclament une vie plus digne, au moment où l'informel mène, sans appréhension, la grande vie. Mais, il y a ces retours de bâton qui peuvent être très durs.