Parlons un peu chiffres. Nous n'entrerons certes pas dans les polémiques autour du taux de participation et des sièges attribués aux uns et aux autres, lors du dernier scrutin législatif, mais plutôt revenir sur la controverse qui oppose, autour des salaires, le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière (Msprh) aux praticiens de la santé et à leur syndicat (le Syndicat national des praticiens spécialisés de la santé publique, Snpssp). Le ministre de la Santé, Djamel Ould Abbès - excédé par les grèves tournantes des praticiens de la santé réclamant une réévaluation de leurs salaires - menaçait en effet, de rendre publics les émoluments que toucheraient, selon lui, les travailleurs du secteur de la santé. Or, prenant les devants, le Dr Liès Mérabet, secrétaire général du Snpssp, a levé le voile sur ces salaires en étalant sur la place publique les rémunérations qui seraient celles des praticiens spécialistes, chirurgiens dentistes et psychologues activant au sein des hôpitaux. Selon donc le Dr Mérabet, un praticien spécialisé a un revenu de 42.000 dinars algériens par mois et termine sa carrière (30 ans d'activité) avec des appointements de 80.000 DA mensuels. Selon toujours le secrétaire général du Snpssp, 3000 praticiens, ayant un contrat de pré-emploi, sont payés 18. 00 dinars par mois. Les chirurgiens dentistes et les pharmaciens d'hôpitaux touchent 36.000 dinars mensuels. Selon encore M.Mérabet, un psychologue débute sa carrière avec une paie de 29.000 DA et la termine (après 32 ans de pratique) à 60.000 dinars mensuels. D'une manière générale, résume le docteur Liès Mérabet, les médecins des hôpitaux et assimilés après 32 ans d'activité achèvent leur carrière avec un salaire plafonné à 80 000 dinars. De tels chiffres s'ils sont avérés - dans l'attente de la version des salaires des praticiens que M.Ould Abbès veut produire à l'opinion publique nationale - se passent en fait de commentaires et explicitent par eux-mêmes la dégradation de la situation dans nos hôpitaux. N'a-t-on pas affirmé que ceux-ci sont devenus des mouroirs? De fait, les Algériens qui en ont les moyens - singulièrement les responsables et Haut commis de l'Etat - préfèrent se faire soigner à l'étranger. Cela pour l'anecdote. On ne s'étonne pas dès lors, que des médecins spécialistes et généralistes algériens, de plus en plus nombreux, quittent le pays. Selon des statistiques de l'Insee français, ils seraient 6.000 à exercer dans les hôpitaux de France. En fait, quels que soient les chiffres que donnerait le Dr Ould Abbès, quant à la réalité des salaires des praticiens algériens, ceux-ci resteront en fait les plus bas du Maghreb et expliquent clairement le recul flagrant de la pratique médicale en Algérie de même que la décadence, plus ou moins avancée, des hôpitaux algériens dont nombre d'entre eux sont dans un état de délabrement honteux ne répondant plus à la pratique de la médecine. Il y a en fait une discrimination certaine dans les rémunérations entre les divers secteurs du travail en Algérie et plus particulièrement à l'intérieur du secteur de la santé où il semble que les normes ne soient pas respectées quand l'écart de salaires entre praticiens disposant des mêmes diplômes devient abyssal ou inconcevable. Comme sont inconcevables les «indemnités» octroyées aux footballeurs dont certains salaires frisent le demi-milliard par mois. Une insulte pour les Algériens qui triment à longueur d'année sans être sûrs de réunir une telle somme quand le Snmg (salaire national minimum garanti, fixé à 18.000 DA) avance à une allure de tortue et ne permet pas aux citoyens d'avoir une vie digne et décente. Lorsqu'un médecin (après dix ans de spécialisation, dix ans de pratique) termine sa carrière avec 80 000 DA, et qu'un footballeur débute avec 60 millions par mois, il est de droit de s'interroger et se demander pourquoi de telles inégalités sont possibles. Or, les salaires choquants des footballeurs, outre de contribuer à la dépréciation de la monnaie nationale, pervertissent l'échelle de valeurs, quand un homme dont le seul mérite est de savoir frapper dans un ballon gagne mille fois plus qu'un diplômé qui passe sa vie à accumuler le savoir pour le mieux-être de la société. Où est donc l'Etat?