«Le mariage est une loterie» Ben Jonson Notre pays est, comme chacun le sait, assez vaste pour compter de nombreuses régions qui présentent une riche variété d'us et de coutumes qui auraient fait la joie des touristes... Mais hélas, tout le monde sait aussi que ces touristes préfèrent aller ailleurs, dans des pays pacifiés où tout est préparé pour les accueillir: les infrastructures, la tolérance, des prix abordables, mais ceci est un autre débat. L'Algérie étant multiethnique, la mosaïque qui la compose est très riche en nuances bien que la religion dominante est la même partout. C'est ainsi qu'il y a de nombreuses occasions civiles, religieuses ou patriotiques pour offrir au visiteur, des spectacles haut en couleur avec des sonorités originales selon le lieu et les circonstances. Tout est prétexte à célébration, fête et réjouissances: cela est compréhensible pour des gens qui n'arrivent pas à sortir du cycle infernal des restructurations. L'anniversaire, le retour d'un pèlerinage, l'obtention d'un diplôme, une naissance et, bien entendu, un mariage sont les événements qui rythment particulièrement les journées et les soirées des étés caniculaires. Le mariage est, assurément, l'événement pivot dans la vie de chaque famille: il va longtemps peser et influer sur le cours de la vie des gens concernés. Il est la charnière essentielle dans la vie des jeunes époux. C'est la raison pour laquelle les personnes sensées y pensent une bonne partie de leur vie. Le mariage étant le rite fondateur de la structure de base de la société, il ne se célébrait pas de la même façon à la ville et à la campagne, au nord et au sud, à l'est et à l'ouest, chez les riches et les pauvres. Seul le rituel de la Fatha est demeuré immuable. Mais après l'Indépendance, les moeurs ont évolué et les noces sont devenues plus spectaculaires. On assiste alors à une course effrénée, d'abord en ville puis même à la campagne, à l'exhibition d'un luxe absurde qui est de loin supérieur aux capacités financières du malheureux couple qui devient l'otage de deux familles plus préoccupées par le «qu'en-dira-t-on» que par le bonheur des tourtereaux. Des négociations serrées entre les deux clans font monter les enchères: c'est une fête qui doit marquer l'esprit des voisins et des familles alliées. Les files de voitures qui forment le cortège nuptial s'allongent de même que la voiture qui doit conduire la mariée doit figurer en première place à l'Argus. Ce sera peut-être la première et la dernière fois que l'épouse foulera le tapis d'une Limousine. Adieu le cheval ou la mule dont les sabots ferrés résonnaient sur les sentiers caillouteux de nos douars! La salle des fêtes, un orchestre de qualité sont les éléments qui vont alourdir la facture déjà salée d'un éphémère jour de fête. Et les patrons des salles des fêtes se frottent les mains: leur investissement est des plus juteux. Pour certains couples, il faudra des années de labeur et de rigueur pour régler les dettes contractées pour une union dont la durée et l'issue sont incertaines. Cependant, et heureusement, il existe dans nos villages, et la crise économique n'y est pour rien, des associations qui ont su limiter cette course déraisonnable à la dépense. Les imams qui officient lors de la Fatha sont mis à contribution pour expliquer la nature du mariage dans un langage accessible à tous. Il s'en est suivi un arrêt net des fêtes fastueuses. On y chante, on y danse encore et on rit en se remémorant la simplicité des mariages d'antan. Mais on n'oublie pas, vigilance oblige, que des idées obscures importées d'ailleurs, tentent de donner au mariage, la couleur d'un enterrement.