Livrés à leur triste sort, ils se sont retrouvés sans assistance La présence de Syriennes accompagnées d'enfants mendiant dans les rues, les gares, les jardins, devant les magasins, les mosquées et autres endroits publics, interpelle les consciences. L'errance, la mendicité, la faim, l'exploitation, la déchirure sociale et la honte de soi, sont autant de malheurs qui s'abattent sur les milliers de Syriens ayant fui la barbarie du régime de Bachar Al-Assad. Selon certains décomptes, il y aurait entre 6000 et 7000 réfugiés syriens en Algérie, depuis le début du conflit syrien. Ils se sont, témoignent-ils, «trompés d'adresse» en choisissant de venir en Algérie. Livrés à leur triste sort, ils se sont retrouvés sans assistance. Ni centres d'accueils, ni réseaux associatifs soucieux de leur situation, pour leur venir en aide. C'est le calvaire au quotidien. Outre qu'ils sont complètement ignorés par la clémence et la charité des citoyens, ils sont également traînés dans les tribunaux, pour séjour illégal. Il ne s'agit pas là d'un mensonge et/ou d'une rumeur, mais d'une triste réalité. Une virée dans les rues d'Alger-Centre confirme la situation dramatique dans laquelle se trouvent des dizaines de réfugiés syriens. Dans tous les coins de rue, le spectacle est désolant. C'était jeudi dernier, il faisait frais. Terrasses de café, magasins, artères et arrêts de bus grouillaient de monde. La scène se déroule à la place Audin, l'une des rues les plus fréquentées de la capitale. Une jeune femme, vêtue de noir en signe de deuil, n'hésite pas à interpeller les passants. Ne présentant aucun signe apparent de mendicité, elle portait dans ses bras un bambin grignotant un morceau de pain sec. La malheureuse interpelle les passants, tout en présentant sa carte d'identité: «A l'aide, je suis Syrienne! Je suis sans ressource, ayez pitié de moi, je suis votre soeur.» Les yeux «inondés» de larmes, elle tend une main qui ne trouve guère d'âme charitable. Je l'aborde: «Je suis journaliste, quelle est votre histoire et comment vous vous êtes retrouvée seule en Algérie?» Après un long soupir, elle rétorque: «Je suis Islam, une Syrienne. J'ai fui mon pays, en guerre fratricide pour trouver refuge en Algérie. Et me voilà, réduite à mendier pour manger à ma faim, loin de mon pays et des miens». Islam a dû traverser trois pays, raconte-t-elle, avant d'entrer en Algérie. Elle s'est réfugiée d'abord au Liban, avant de traverser l'Egypte et la Libye, pour ensuite atteindre l'Algérie, à la fin du mois dernier. Elle n'est pas la seule, révèle-t-elle, à faire la longue et pénible aventure. «Mes frères, je suis syrienne, aidez-moi» Beaucoup de ses compatriotes - plus de cent cinquante - pour la majorité, des femmes et des enfants, ont fait la même traversée, avant de se séparer. Ce phénomène remarquable, se reproduit, en fait, à travers plusieurs autres wilayas du pays, essentiellement celles de l'Est. A l'instar des wilayas frontalières de l'Est, Guelma aura été la plus concernée par l'arrivée des réfugiés syriens via les frontières algéro-tunisiennes. Elles sont plusieurs dizaines à avoir gagné le sol algérien, guidées pour la grande majorité par des Tunisiennes. Au cours de sa traversée, Islam nous apprend qu'elle et ses compatriotes ont vendu leurs bijoux et leurs objets de valeur pour subvenir aux frais de leurs long «périple». Après quelques jours passés dans un hôtel algérois, Islam a séché son portefeuille. Elle, qui vivait pourtant dignement en compagnie de son mari à Damas, avant la guerre civile au cours de laquelle il a été tué par les barbouzes de Bachar Al-Assad, aujourd'hui mendie dans les rue d'Alger-Centre pour manger à sa faim. Et pourtant, avoue-t-elle, elle occupe avec son enfant, âgé de 7 ans, le pied d'un immeuble à la rue Didouche-Mourad. Avec regret, la pauvre femme avouait qu'elle n'avait jamais osé imaginer un instant que le peuple algérien pouvait manifester ignorance et indifférence à l'égard des réfugiés syriens, qui souffrent le martyre. Selon les témoignages de concitoyens, des dizaines de Syriennes squattent les portes des mosquées quémandant de l'argent aux fidèles. Le calvaire quotidien que vit Islam à Alger est aussi partagé par ses compatriotes. En effet, la présence de Syriennes accompagnées d'enfants dans les rues, les gares, les jardins, devant les magasins, les mosquées et autres endroits publics, qui s'adonnent à la mendicité, attire l'attention. Elles sont en effet, nombreuses. Ce n'est un secret pour personne. Nesrine, une autre Syrienne, fait également la manche dans les rues et quartiers d'Alger. Elle fait les cafétérias et les magasins pour mendier, en présentant souvent sa carte d'identité syrienne, histoire de susciter la pitié des âmes charitables. C'est, également, le cas dans le reste des grandes places publiques de la capitale ou encore sur les plages, où les mendiantes syriennes, généralement vêtues de noir en signe de deuil, n'hésitent pas à interpeller les passants. Les mouvements de Nesrine dans sa quête de quelques dinars lui permettant de subvenir à ses besoins est une tâche très dure. Les Algériens sont, paraît-il, indifférents à sa situation. Et puis, ils sont, a-t-on constaté, très peu à oser mettre la main à la poche et répondre au cri de détresse de cette pauvre réfugiée. C'est dire, à l'évidence, que le caractère hospitalier des Algériens n'est que légende. Pourtant, il s'agit de porter assistance à des citoyens qui ont quitté leur pays, livré à une guerre civile sans merci. Pourtant, avant de mendier, Nesrine a tout fait pour trouver un travail lui permettant de subvenir à ses besoins quotidiens. Hélas! toutes les portes sont restées fermées devant elle. «j'ai fait les magasins, les marchés et même dans les restaurants pour demander un job. Néanmoins, mes demandes ont été vaines» avoue amèrement Nesrine, avant d'ajouter: «J'aurais dû rester au Liban ou mourir en Syrie, plutôt que de venir en Algérie pour me retrouver mendiante.» En plus des conditions de survie difficiles auxquelles sont confrontés les réfugiés syriens, il faut dire également que leurs séjour en Algérie est placé sous la loupe. Ainsi, plusieurs Syriens ont été interpellés pour séjour irrégulier. Pour cause, ces derniers sont rentrés illégalement via les frontières algéro-tunisiennes. Des réfugiés traînés devant les tribunaux Sur un autre chapitre, plusieurs Syriens ont été interpellés pour séjour irrégulier ou pour mendicité par les services de sécurité et présentés aux juges. Ainsi, le tribunal d'Hussein Dey a innocenté deux ressortissantes syriennes, Amina A. et Malak N. âgées de 60 ans, après avoir été poursuivies pour délit de mendicité illégale. Elles étaient, apprend-on, défendues par Me Debah el-Bakr Mohamed Nidhal, avocat syrien agréé auprès de la Cour suprême et du Conseil d'Etat et membre du Comité de soutien au peuple syrien pour le changement. Ce dernier a fait savoir dans une déclaration à la presse que la détérioration des conditions de vie en Syrie a fait que pas moins de 6 000 Syriens sont arrivés en Algérie en tant que réfugiés. Ces derniers vivent dans des conditions très pénibles. Cet avocat a indiqué que les deux personnes âgées sont arrivées en Algérie par l'aéroport international d'Alger, Houari-Boumediene, au mois de février dernier. Elles se seraient enfuies du village Aâziz à Alep après que ce dernier fut bombardé par l'armée syrienne. Et de poursuivre que chacune de ces deux personnes a huit enfants qui se sont réfugiés en Jordanie, Liban et Turquie. «Les conditions très difficiles de ces deux personnes les ont obligées à vendre leurs bijoux pour subvenir à leurs besoins quotidiens», a-t-il affirmé. Le magistrat, qui a entendu les deux dames, a été ému par leur histoire. Elles ont raconté qu'elles étaient arrivées en Algérie en février. Elles avaient loué une chambre dans un hôtel situé à la place des Martyrs à Alger. Après qu'elles aient dépensé tout leur argent, le propriétaire de l'hôtel leur a conseillé de voir l'imam de la mosquée sise à Jolie Vue qui pourrait éventuellement les aider avec le fonds de la Zakat. Mais une fois arrivées à leur destination (mosquée), elles ont été arrêtées par les services de sécurité. A Constantine et à Oran d'autres Syriens ont été également présentés devant les tribunaux pour séjour irrégulier. Et bien qu'ils soient libérés, il leur a été demandé par le juge de quitter le territoire national. Et pour venir en aide aux réfugiés syriens en difficulté, on apprend qu'un Comité de soutien au peuple syrien pour le changement a été créé. Ainsi, une commission d'aide et d'accueil des réfugiés syriens, composée essentiellement de commerçants et de ressortissants syriens établis légalement en Algérie a été mise en place. Cette commission, qui a déjà assuré l'hébergement de dizaines de familles tente d'élargir son réseau et servir de repère pour recevoir et assurer un minimum de conditions à leurs compatriotes. «Il y a un réseau de Syriens ici en Algérie qui oeuvre à prendre en charge les Syriens qui fuient la guerre. Ce réseau vient de prendre en charge des dizaines de familles syriennes. Il a même mis deux lignes téléphoniques à la dispositions des Syriens en difficulté», nous a révélé A. Ahmed, un étudiant syrien en Algérie, faisant partie du réseau de soutien aux Syriens.