La défense a réussi le tour de force de prendre la parole le temps qu'il faut pour convaincre. Maître Abderazak Chaoui défend un prévenu de port d'arme condamné à une peine de deux ans d'emprisonnement ferme et d'une amende. Il a réussi le tour de force de prendre la parole le temps qu'il faut pour convaincre Brahim Kherrabi, la juge, que son client avait fait l'objet d'un règlement de comptes de la part de policiers qui lui en veulent. «Monsieur le président, ne m'interrompez pas SVP. Donnez-moi le temps nécessaire de vous expliquer le pourquoi du port d'arme blanche. Il avait un bélier malade qu'il avait fait consulter par un vétérinaire lequel lui a conseillé d'égorger cette bête, surtout destinée à être servie gratuitement aux démunis», a articulé l'avocat d'Alger qui a fait grimacer le président, Nadia Amirouche et Mansour Ouchen, les deux conseillers lorsqu'il avait remis des photos du bélier égorgé, suspendu à l'esse. Le magistrat fait de l'humour: «on ne voit pas le gras-double (la douara!) pour être sûr qu'il s'agit bien d'animaux domestiques «halal» ou «casher».» L'assistance sourit et cela détend un peu cette rude atmosphère polluée par la présence de nombreux détenus qui jouent leur liberté brisée souvent sur un petit détail. Un détail qui peut mener un prévenu loin dans les détails destinés à expédier le plus pur d'un gus poursuivi sur la base d'un procès-verbal rédigé par les éléments de la police judiciaire dans les dédales de la taule où les séjours n'ont rien d'agréable, au contraire: c'est même l'enfer que ces détentions provisoires, voire préventives. Et une fois, depuis le box, aménagé à neuf mètres du trio de magistrats, un détenu répondit à la question de Kherrabi lequel avait articulé si l'incarcération avait un mauvais côté: «Monsieur le président, avec tous mes respects, l'incarcération, même provisoire, n'a rien d'utile. Alors agréable? Vous pensez donc! Un lourd silence avait suivi cette réponse...» La seconde affaire du prévenu a vu Maître Chaoui se mettre de côté juste pour suivre les propos de son client inculpé cette fois de vol de papiers à l'aide de menaces à l'arme blanche. Cela faisait beaucoup. Nous étions loin du bélier sacrifié en faveur des démunis, des pauvres. Le port d'arme blanche a largement été justifié par l'avocat de la capitale et Kherrabi a même marché pour ce qui est de l'action de la relaxe. Mais le vol et les menaces...brrrr! Nasseredine Rebaï, le procureur général met son grain de sel pour donner raison aux enquêteurs. Maître Chaoui s'en prendra, lui, par contre, au casier. «Monsieur le président, je voudrais m'élever contre cette éternelle épée de Damoclès qui demeure le casier judiciaire. Ensuite, qu'est-ce donc que cette histoire de rétention de papiers qui devient vol de documents? Je n'arrive franchement plus à suivre certains concepts qui chassent la logique lorsqu'on pense aux droits du justiciable privé de liberté lorsqu'un juge s'appuie sur l'illogisme et autres ratés de la police judiciaire dont le travail ne provient pas du Saint Coran!» a martelé le défenseur qui se refuse à abandonner un justiciable neutralisé pour deux soi-disant délits - le vol et les menaces - retenus sans preuves: «Les menaces ne peuvent être retenues que si l'inculpation ramène ici à la barre deux témoins! Il n'y a même pas un seul témoin. C'est dire, Monsieur le président que souvent le ridicule ne tue jamais, oui, le ridicule ne peut jouer en faveur du parquet!» a presque hurlé de désespoir l'avocat de la capitale qui a, par contre, prié le trio de magistrats à faire preuve de lucidité lors de la mise en examen et déclarer non coupable ce justiciable que rien, absolument rien, ni personne ne peut déclarer coupable pour deux débats qui n'existent que dans le subconscient de ceux qui l'ont ramené ici!» a conclu Maître Chaoui qui ne pourra que prendre acte de la date du verdict mis en examen sous huitaine...