Encore une fois, un avocat tente, à distance, un bras de fer avec les policiers qui ont épinglé un sniffeur debout près de... Jovial plus que jamais, Brahim Kherrabi, le président de la chambre correctionnelle d'Alger, avait eu la mine encore plus radieuse en voyant ce vieux renard des juridictions, Maître Benouadah Lamouri, s'avancer à pas de loups «affamé», pour être prêt au bon moment en vue d'introduire des questions préjudicielles. Et effectivement, au moment où le trio de juges Mansour Ouchen, Nadia Amirouche et Kherrabi allaient entrer au fond de l'affaire proprement dite, en l'occurrence entendre le prévenu Abdessalam L, vingt-huit ans, condamné en première instance à une peine d'emprisonnement pour détention et usage de stups, fait prévu et puni par l'article 12 de la loi n°04-18 du 25 décembre 2004, relative à la prévention et à la répression de l'usage et du trafic illicites de stupéfiants et de substances psychotropes», que l'avocat de Dar El Beïda demandera à être entendu autour des questions préjudicielles qu'il considère plus qu'utiles pour les débats. Le défenseur eut la permission du juge lequel cracha un gros sourire franc qui illuminera mieux son visage où les cheveux argentés et noirs annonçaient la longue carrière de Kherrabi, heureux de retrouver le pupitre, signe qu'il n'a jamais regretté de s'être jeté dans le bassin de la magistrature. «Allez, Maître. Nous vous écoutons sans gêne», ajouta le président que le jeûne n'a pas réussi à démonter ni à affaiblir. Maître Lamouri s'engagera alors dans une diatribe polie, sèche, ferme à l'encontre des éléments de la police judiciaire qui prennent sur la «tronche» à chaque fois qu'ils ramènent de pauvres bougres qu'on a surpris en «flagrant délit» (le terme flagrant délit est du conseil en colère visiblement contre ceux qui sont derrière une détention arbitraire à ses yeux!): «Mon client qui était tout simplement adossé, au même titre que plusieurs autres jeunes. Alors, M. le président, Mme la conseillère, M. le conseiller, M. le procureur, général, une question qui vaut son pesant d'or: «Les policiers en ramassant le mégot, avaient-ils alors assisté au jet de la came sur la chaussée?» Nasserdine Rebaï, l'excellent procureur général». reste impassible, faisant comme si l'avocat n'avait rien dit. Et cette attitude n'est point du mépris ou une marque d'indifférence. C'est tout simplement cette sacro-sainte solidarité du siège du ministère public qui veut son vent qu'un volatile même haut dans les airs est une... «chèvre». C'est la loi et ce sont mêmes les us et coutumes des juridictions. Maître Lamouri fait comme si Rebaï venait d'applaudir cette question. Kherrabi, comme il l'a toujours fait, pose une question un peu plus tard, relative à la détention de came à l'arrivée des policiers: «Prévenu, que faisiez-vous au moment de l'arrivée des policiers?» «J'étais adossé contre le mur du restaurant encore fermé en cette période de grosses chaleurs précédant les vacances scolaires», répondit Abdessalam nullement ébranlé par cette question. Maître Lamouri rappelle que la phrase sur le procès-verbal d'audition: «Je nie fermement avoir eu en main la drogue, mais je déclare être un fumeur invétéré et un sniffeur d'occasion. Mais lors de l'interpellation, je n'avais rien sur moi ni sur mes lèvres.» C'est alors qu'entendant la fin de l'exclamation de l'avocat, le juge murmura presque en direction de la barre: «En somme Maître Lamouri, qu'est-ce qui vous tracasse dans tout cela?» Sourire du magistrat et grimace du défenseur: «Ce qui me scandalise plutôt M. le président, c'est que le juge du tribunal a condamné mon client sur du vent: il n'y avait ni détention, ni usage de drogue.» Ce sera au tour de Rebaï de mettre son grain de sel en se levant et demandant à répliquer au conseil qui avait débuté les débats au galop et le voilà maintenant y allant tambour battant: «M. le président, le parquet ne voit pas pourquoi de jeunes policiers en ronde routinière se seraient jetés au cou de Abdessalam qui ne les connaît même pas. Les policiers sont arrivés, il y avait de la came sur la chaussée à hauteur du prévenu qui n'a peut-être pas pensé à s'enfuir à la vue des policiers. Vous savez tous qu'en de pareilles circonstances, le réflexe numéro un est souvent de détaler à la vue des éléments des services de sécurité!», articule le procureur général qui demandera au moment voulu l'aggravation de la peine, car en première instance, le procureur de la République avait réclamé deux ans ferme alors que le verdict avait été de dix-huit mois tout aussi ferme. Et ce sera précisément sur ce verdict que Maître Lamouri bâtira sa bruyante mais correcte plaidoirie, juste de quoi détruire la sentence. Après avoir effectué brillamment un retour nécessaire autour de la loi n°04/18 du 25 décembre 2004, loi construite sur les «cendres de trois conventions de la Constitution, d'un Protocole, d'une Convention universelle et le décret présidentiel de 1995, ainsi que trois ordonnances et cinq lois (de 1979 à 2003), l'avocat a caressé l'espoir que cette honorable chambre correctionnelle prenne en considération la version du prévenu qui a un casier certes, fourni mais sans aucune condamnation portant sur la drogue et ses infernaux dérivés dévastateurs. «M. le président, ce garçon de un quart de siècle est peut être un bagarreur, un turbulent au passé tumultueux mais il n'a rien à voir avec la détention de drogue. Et même s'il avait reconnu avoir déjà sniffé, il m'avait informé en prison, qu'il avait sniffé en compagnie de copains avec qui il avait affaire un soir d'été. Non, ce n'est ni un drogué, ni un détenteur de came. Rendez-le à ses parents. C'est un fils unique qui est franchement innocent». L'avocat avait fini son intervention, le front inondé de sueurs froides. La preuve? ces bulles collées sur la peau... Kherrabi décide la mise en examen du dossier sous huitaine.