Voyant leurs récoltes sérieusement endommagées, certains citoyens pensent à utiliser des armes contre ces macaques. C'est un paysan en colère que nous avons retrouvé dans son verger ravagé par des singes, dans la région de la vallée de la Soummam. «Toute ma récolte est sabordée et de manière sauvage par des singes», s'est-il plaint. Tomates, poivrons, fruits de saison, rien n'a été épargné par ces nouveaux invités indésirables, qui suscitent déjà l'appréhension dans le milieu de la paysannerie de Béjaïa.Alors que la destruction des jardins potagers, vergers et autres champs de culture n'était l'oeuvre que des sangliers, voilà que les singes magots, une espèce protégée plus connue sous le nom de macaque berbère, se met de la partie pour provoquer des ravages dans les vergers partout dans la wilaya de Béjaïa. Ils dérobent ce qu'ils peuvent et détruisent le reste des récoltes, c'est comme s'ils s'étaient juré de ne rien laisser à l'homme. C'est le constat à retenir fait par les victimes. «J'étais tout content de pouvoir enfin profiter du fruit de mes efforts, voilà que je perds tout en quelques minutes», dira ce paysan, qui n'a pas manqué d'exprimer toute sa colère face à ce nouveau fléau qui a pris beaucoup d'ampleur ces dernières années. Comme lui, ils sont nombreux à subir les affres de ces singes. Désabusés, les paysans victimes de ces méfaits racontent qu'ils se font même menaçants à l'égard de l'homme. «Ils sont aussi dangereux que les sangliers et ne sont pas effrayés à la vue de l'homme», soutient cet autre paysan de l'Akfadou. Dans toutes ces contrées proches de la montagne et de la forêt, le désarroi est le même chez les habitants qui commencent déjà à réfléchir sur les voies et les moyens pour stopper ce phénomène devenu récurrent L'inquiétude est d'autant plus grande, faute de parades idoines à développer pour s'en prémunir, selon des représentants d'associations agricoles locales. Autant à Adekar, l'Akfadou, Fenaïa, Ilmatène à l'ouest qu'à Taskriout, Darguina à l'est, les attaques des vergers sont signalées chaque jour. Et c'est à qui d'exposer ses pertes. «Tout un carré de laitue que je devais récolter pour le Ramadhan est complètement ravagé», se lamente un agriculteur de la région sur les ondres de la radion locale Soummam de Fenaïa. Il a récemment, vécu dans ses champs, lui et ses voisins, une «descente nocturne d'une colonie de quelque 40 primates. «Ils ne se sont pas contentés de se nourrir, ils ont tout détruit sur leur passage, n'épargnant ni les maraîchages, ni les arbres fruitiers», raconte-t-il. «Rien ne semble en mesure de les arrêter», fait-il remarquer, expliquant que même les aboiements des chiens, les bruits métalliques, la vue du feu ne font que les éloigner momentanément. Mais ils reviennent à la charge dès que les artifices de dissuasion s'estompent. «Il faut donc être là en permanence et là encore, le risque demeure d'actualité» a-t-il soutenu. On raconte même que cet animal fait preuve d'une audace à faire fuir le plus téméraire des hommes. «Il ne craint rien pour assouvir sa faim», raconte ce paysan d'Adekar qui a eu à subir les mêmes méfaits signalé, un peu partout. Plusieurs dizaines de champs ont été ravagés. Une situation qui a poussé de nombreux paysans à faire le guêt à tour de rôle. Pour l'heure pour pouvoir sauver les récoltes beaucoup de paysans touchés évoquent déjà l'usage des armes. Interpellée, l'association locale des chasseurs, qui tout en préconisant une surveillance permanente des vergers, a trouvé l'occasion pour consolider ses campagnes de sensibilisation visant les riverains et les usagers du tronçon de la RN 12, entre El Kseur et Adekar. «Le fait de nourrir le singe crée un sorte de familiarité qui finit par provoquer ce genre de descente», explique ce défenseur des animaux sauvages, qui n'a pas manqué d'accuser les voyageurs de trop se rapprocher du singe et de le désaccoutumer de son milieu naturel, en le nourrissant sur les abords de la route avec une alimentation humaine. «C'est ce type de comportement qui l'incite à se rapprocher des endroits habités», selon son secrétaire général, Karim Cheikh sur les ondes de la même radio qui fixe temporellement, l'apparition de ce phénomène à la fin du mois de janvier dernier. «L'enneigement et la faim ont fait sortir de la forêt plusieurs colonies de primates qui ont compensé leur nourriture sauvage par une alimentation humaine et en ont pris l'habitude», avance-t-on pour expliquer ce phénomène. Pour le directeur de la Conservation locale des forêts, l'apparition dense de ces animaux, tient au fait que «le début de la saison des chaleurs coïncide avec le moment des naissances et la scission des groupes. Chacun tente de délimiter son territoire. Et les exclus essaient de s'établir dans de nouvelles zones. S'ils ne sont pas dérangés, ils s'installent définitivement», a-t-il expliqué, prônant des attitudes «dérangeantes», pour les en éloigner. «A titre personnel et individuel, j'ai dû les chasser de mon lieu d'habitation à coups de pétards», a-t-il indiqué. Le singe ne s'invite pas seulement dans les vergers. Il s'invite même au domicile. Les habitants des quartiers près des Aiguades et du Cap Carbon se sont plaints à plusieurs reprises des incursions des singes qui n'épargnent ni leurs vignes encore moins leur figues. S'agissant d'une espèce protégée, les touristes et les usagers des routes ne devraient en principe pas nourrir ces animaux. Cette interdiction est clairement affichée et souvent renouvelée par les responsables des parcs nationaux. Imperturbable, l'homme continue à défier l'interdiction. Avec au bout «ces descentes punitives», qui risquent à la longue d'attenter aux vies humaines. La menace est sérieuse pour ne pas y réfléchir.