La peur d'être chassés, la méfiance d'autrui et la charité préoccupent des milliers de familles de réfugiés syriens en Algérie. Mardi dernier, à 23h00, camp des réfugiés syriens. Au deuxième jour de leur prise en charge par le Croissant-Rouge algérien (CRA), on apprend qu'une quinzaine de familles ont passé la nuit la veille et ne sont pas revenues le lendemain. «Les réfugiés syriens sont repartis au square Port-Saïd. On ne sait pas s'ils reviennent ce soir ou pas», nous dit-on. Le temps de faire le tour dans la cour et les chalets aménagés en conséquence, 20 mn, après, deux représentants des réfugiés syriens arrivent en compagnie de bénévoles du Croissant-Rouge algérien. Ils sont venus pour s'enquérir des conditions d'hébergement et de restauration, afin de convaincre d'autres familles à venir au centre, au lieu de rester au square Port-Saïd, à Alger. Les discussions entre Lahcène Bouchakour, secrétaire général du CRA et les bénévoles qui l'accompagnaient tournaient plus autour de la sécurité des familles et des enfants, que pour les conditions d'accueil. «Comprenez-nous SVP. Nous avons passé 40 ans à vivre dans la peur de nos propres ombres. Nous avons peur de nos propres frères et soeurs qui travaillent avec le régime syrien. Nous avons peur de la trahison. Pour les familles syriennes, la confiance et la sécurité sont plus importantes que n'importe quel lieu et centre d'accueil. C'est la raison pour laquelle, des milliers de familles syriennes sont venues se réfugier en Algérie. Tout en rassurant qu'ils sont de simples citoyens composés de travailleurs et de commerçants qui gagnent leur vie, à l'écart de toute idéologie, les bombardements des cités et l'endommagement de leurs maisons, les ont poussés à fuir le pays, afin de se protéger des massacres. Car selon nos interlocuteurs, «il suffit qu'une personne soit identifiée par les services syriens, c'est tous les membres de la famille qui sont tués à bout portant», a-t-on révélé. Chemin faisant, la confiance s'établit entre le représentant du Croissant-Rouge algérien et les représentants des réfugiés «Si l'Etat Algérien et la société civile ne voulaient pas vous recevoir et vous protéger, ils auraient refusé de vous accueillir dès le départ», a lancé M. Bouchakour avant d'ajouter que l'Etat à décidé de les prendre en charge pour des raisons humanitaires. D'une capacité d'accueil de plus de 200 places, le camp des réfugiés est composé de chalets avec des lits superposés, de 6 à 10 places, réservés pour l'accueil des enfants et des membres des familles. Un restaurant en plein air, qui peut offrir jusqu'à 200 repas à la fois, en plus d'une vaste cuisine équipée des moyens du centre, a-t-on constaté et d'une infirmerie et une ambulance à la disposition des médecins en cas de nécessité et autres urgences. A 1h50 du matin, deux bus de l'Etusa, avec à bord, une dizaine de familles syriennes avec leurs enfants en bas âge, et une Algérienne et son enfant de 4 ans venue à bord pour rejoindre le camp au même titre que les réfugiés.. «Je suis une des victimes du séisme de Réghaïa», dit-elle, tout en essuyant ses larmes. Vivant au squart Port-Saïd avec des réfugiés Syriens, cette dame s'est plainte aussi d'abus de pouvoir. Elle affirme être privée de son logement familial par un cadre du ministère de l'Aménagement du territoire. Dès son arrivée, les responsables du camp des réfugiés lui ont refusé l'accès et on ignore si elle a été admise après notre retour ou pas. Toutes les familles des réfugiés syriens, ont été directement conduites au restaurant pour le repas du «S'hour». Interrogés sur les raisons du refus d'aller ou de rester dans le camp des réfugiés à Sidi Fredj, plusieurs de nos interlocuteurs parmi les réfugiés syriens ont avancé que bon nombre d'entre eux préfèrent la charité. Une manière d'amasser plus d'argent. «Beaucoup de familles ont perdu leurs maisons en Syrie dans les bombardements aériens ou terrestres. S'ils restent dans les camps des réfugiés, ils n'auront pas les moyens de reconstruire leurs maisons à leur retour en Syrie», arguent-ils. D'autres préfèrent rester en ville dans les hôtels, afin de profiter au maximum des aides financières directes qui proviennent de bénévoles. «Mais ce n'est pas tout le monde et tous les jours qu'on fait des recettes», soulignent d'autres réfugiés. Ainsi va la vie des réfugiés syriens, ballottés entre la peur de se voir livrés aux autorités syriennes et le souci de se faire une situation en Algérie, en attendant le retour de la paix.