Poste frontalier Tous les efforts et les jalons qui ont été fournis et posés depuis de nombreux mois pour mettre en place une politique de coopération fructueuse entre les deux pays risquent de s'effondrer comme un château de cartes. Les relations algéro-marocaines sont mises à l'épreuve. Le chef de la diplomatie marocaine vient d'y jeter un peu plus d'huile sur le feu. Il n'a pas hésité à faire l'amalgame entre la question sahraouie et la crise au Sahel. Dans une interview accordée le 10 août au quotidien panarabe «Acharq Al Awssat», édité à Londres, il a estimé que toutes les deux tirent leur essence des «armes et l'argent de Mouamar El Gueddafi, qui sont d'ailleurs les mêmes armes et le même argent qui étaient derrière la création et le soutien du Front Polisario». «Ces faits suffisent à eux seuls pour expliquer beaucoup de choses», a souligné Saâdeddine El Othmani El Otmani. Il ne faut pas être grand clerc ou être capable de lire dans du marc de café pour comprendre qu'il faisait allusion à l'Algérie. Les sorties médiatiques du chef du gouvernement marocain et de son ministre des Affaires étrangères jettent, sur les relations algéro-marocaines, un coup de froid. Le terrain qui a été déminé depuis que les deux pays ont décidé de mettre en sourdine les sujets qui les opposent et de leur réserver un traitement dans un cadre approprié, redevient à nouveau le théâtre de potentiels thèmes de discorde. La cause: le revirement du gouvernement islamiste marocain qui met la pression et exerce un chantage caractérisé en ce qui concerne le traitement de certains dossiers, notamment celui de l'ouverture de la frontière terrestre entre les deux pays en mettant dans la balance la construction de l'Union du Maghreb. Le prochain sommet de l'UMA qui doit se tenir en Tunisie «sera seulement de pure forme», selon le Premier ministre marocain. Pourquoi? «Les conditions de la tenue d'un sommet ne sont pas encore mûres et tant que les frontières entre le Maroc et l'Algérie ne seront pas rouvertes», a indiqué Abdelilah Benkirane. Et à qui la faute? La responsabilité incombe aux responsables algériens, croit savoir le chef de l'Exécutif marocain. «Notre politique vis-à-vis de nos frères algériens est basée sur l'Histoire, les deux peuples sont liés par des relations d'amour et de fraternité. Malheureu-sement, la direction algérienne a un autre avis...», a-t-il estimé tout en ajoutant: «Il est impensable que la France et l'Allemagne se soient réconciliées et que l'Algérie soit en situation d'adversité vis-à-vis du Maroc», dans une interview parue le 26 juillet dans le quotidien Attajdid, organe du PJD (Parti pour la justice et le développement) dont il est le secrétaire général. Il fallait une sacrée dose de culot pour faire une telle comparaison. Le leader islamiste n'a pas précisé, par contre, qui du Maroc ou de l'Algérie, endosserait le rôle joué par l'Allemagne nazie dans l'extermination des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale... Sans doute pour occulter la répression et les sévices subis par la population et les militants sahraouis dans les territoires occupés du Sahara occidental et dans les geôles marocaines... Nous nous abstiendrons en ce qui nous concerne de faire un tel parallèle. Le peuple algérien n'éprouve aucun sentiment d'animosité à l'égard du peuple marocain. Il ne se passe pourtant pas un jour où la presse marocaine, en l'occurrence la MAP, ne se fasse le relais de déclarations hostiles à l'Algérie. Le sujet de prédilection: le Sahara occidental. «Depuis des décennies, Alger nourrit des ambitions hégémoniques dans la région qui l'ont conduit, dans les années 1970, à créer de toutes pièces l'affaire du Sahara marocain, avec l'aide du bloc communiste, afin de s'octroyer un accès vers l'Atlantique et affaiblir le Maroc», a rapporté l'agence de presse officielle marocaine Maghreb Arab Press dans une dépêche datée du 25 juillet 2012 citant Charles Saint-Prot, directeur de l'Observatoire d'études géopolitiques de Paris qui se serait exprimé sur le site Atlantico (qui défend des thèses de droite). Ces spécialistes dont les déclarations sont sciemment exploitées par la MAP, omettent de dire que la question du Sahara occidental est traitée dans le cadre de l'ONU. Que le Maroc négocie depuis 2007 avec le Front Polisario, un mouvement auquel il attribue des connexions avec des groupes terroristes. Comme ils oublient de dire que la fermeture des frontières entre l'Algérie et le Maroc est intervenue suite à la chasse à l'homme (algérien, Ndlr) qui est intervenue après que le gouvernement marocain ait accusé les services algériens d'être derrière l'attentat qui a ciblé l'hôtel Asni à Marrakech en 1994. Quand on a la mémoire courte, on peut dire n'importe quoi...