Après avoir décidé de fermer ses frontières avec l'Algérie en 1994, il l'accuse aujourd'hui de refuser de les ouvrir. Il y a de tout dans la démarche du jeune souverain marocain, sauf du pragmatisme mais aussi de la sincérité. Du côté de Rabat, il est désormais de tradition de pointer un doigt accusateur sur Alger à chaque fois que cela est possible. Cette fois-ci, Mohammed VI n'a pas hésité à accuser les autorités algériennes de persister à maintenir leurs frontières fermées aux Marocains. «Une fermeture absurde», nous dit-il. Une des raisons, selon lui, qui fait traîner en longueur et entrave le bon fonctionnement de l'Union du Maghreb arabe. «Nous ne pouvons que regretter les piétinements que connaît l'Union du Maghreb, du fait d'entraves artificielles, y compris la persistance de la fermeture absurde, par une seule partie, des frontières entre deux pays voisins», a déclaré le souverain marocain dans un message adressé au Sommet arabe qui s'est tenu lundi et mardi au Koweït. Ce Sommet ayant pour thème l'économie arabe est venu après celui de Doha consacré à la tragédie de Ghaza, boycotté par Mohammed VI - président, soulignons-le, du comité Al Qods - et auquel a pris part le chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika. Vu les événements dramatiques de la bande de Ghaza, la sauvagerie et la barbarie dont a été victime la population palestinienne, ces propos tombent comme un cheveu sur la soupe. Ils sont tout simplement indécents. Ce n'était ni le lieu ni le moment pour le roi du Maroc de mettre sur la table un contentieux dont il a hérité, certes, de son défunt père, le roi Hassan II. Et quand de surcroît la vérité est escamotée et les faits travestis, les larmes versées sur la Palestine trahie et martyrisée ne peuvent ressembler qu'a des larmes de crocodile. Les frontières entre l'Algérie et le Maroc ont été fermées au mois d'août 1994. L'hôtel Asni, à Marrakech, venait de subir un sanglant attentat terroriste. L'Algérie faisait face à un terrorisme aveugle qui a fait plus de 100.000 victimes. C'est le moment choisi par le Royaume marocain comme l'ont fait, par ailleurs, d'autres pays, pour accentuer le huis clos dans lequel se jouait le drame algérien. Rabat n'a pas trouvé mieux que d'imputer l'attentat de Marrakech aux services secrets algériens, comme le rapporte d'ailleurs MAP, l'agence officielle de presse marocaine. Un timide réchauffement des relations entre les deux pays a, cependant, vu le jour en 2005 lorsque le Maroc a décidé de supprimer les visas qui ont été imposés aux Algériens. L'Algérie en fit de même en 2006. Les frontières terrestres resteront cependant fermées. Ce qui est normal. On ne ferme pas une frontière pour l'ouvrir par la suite par coquetterie ou tout simplement par envie. Et cette fermeture des frontières a permis d'endiguer le trafic d'armes et de drogue vers l'Algérie à partir du territoire marocain. Toutefois, économiquement, le Maroc est en train d'étouffer et il veut desserrer l'étreinte. Mohammed VI veut faire preuve de sa bonne foi. L'ouverture des frontières entre le Maroc et l'Algérie ne cache ni de projet sournois, encore moins de plan machiavélique. «En réitérant son attachement à l'ouverture des frontières entre deux peuples frères, le Maroc est loin d'en banaliser l'objectif et de réduire à quelque avantage étriqué ou à un intérêt exclusif», a déclaré sur un ton qui se veut rassurant, le souverain alaouite. Par ailleurs, un des problèmes qui minent les relations algéro-marocaines réside dans le dossier de décolonisation du Sahara occidental. L'Union du Maghreb, l'UMA, dont s'est subitement souvenu Mohammed VI, est un atout important pour le développement économique de la région. Mais cette croissance ne se fera sans aucun doute pas sur le dos de la cause sahraouie. Aussi, l'Algérie continuera à soutenir le principe d'autodétermination pour le peuple du Sahara occidental, conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité dans ce sens, comme elle soutient de véritables négociations de paix entre les deux parties belligérantes, le Royaume du Maroc et le Front Polisario, dans le cadre des règles fixées par l'Organisation des Nations unies.