«On ne baissera pas les bras» Tinariwen du tamasheq veut dire les déserts, pluriel de ténéré. La poésie est sa politique. Originaire de Tessalit au nord-est du Mali, la musique de ce groupe est appelé Assouf, qui signifie en tamasheq, la solitude, la nostalgie et fait la synthèse entre le blues, le rock et la musique traditionnelle touarègue. C'est ce que l'on peut appeler le blues touareg, car comme le blues, il a été créé dans l'exil et la souffrance. Auréolé cette année du Grammy awards 2012 du meilleur album music du monde, le groupe qui n'a de cesse de jouer sur les scènes du monde entier, s'est produit dans la liesse lundi dernier sous le chapiteau du Hilton insufflant du baume au coeur du public, venu nombreux, en faisant monter la température dans la salle. De la bonne fièvre en radiation, issue de ces chansons de mélancolie mais aussi de lutte et d'espoir, qui résiste au vent de sable et aux guerres. Une poésie languissante qui chante le désert, l'amour et l'endurance et vous touche au corps, des racines au coeur.. L'Expression: Un mot sur votre concert de ce soir. Eyadou Eglech: On est très contents d'être là ce soir. l'Algérie pour nous c'est comme notre pays quoi. Le public nous a attendus, on est bien arrivés. L'accueil était bien. On est très contents car on a fait un très bon concert et le public était à la hauteur aussi. Que pourriez-vous nous dire sur ce qui se passe actuellement au Mali? On vit actuellement des moments très durs. Mais on essaye de les supporter comme d'habitude. On a toujours supporté la difficulté au désert, avec un Etat ou sans Etat. Là, on a besoin de secours car nos populations sont réfugiées un peu partout, en Algérie, en Mauritanie, au Burkina, et c'est très compliqué. On n'arrive pas à comprendre ce qui se passe exactement. On souhaite trouver la paix chez nous. A Bamako, ce n'est plus un Etat pour moi. Je suis désolé de dire ça mais le Mali pour moi ce n'est plus un Etat parce que c'est un problème qui existe depuis très longtemps et on ne fait rien pour les Touareg. Et les Touareg ne demandent pas grand-chose. Malheureusement, même le Paracétamol tu ne le trouves pas là-bas. Maintenant avec la montée du réchauffement climatique, la température atteint les 60 degrés, on ne peut pas vivre comme ça aujourd'hui. Comment vivez-vous en tant qu'artiste cette situation au Mali? On est complètement choqués. On n'a même encore atterri, et nos familles sont en tête constamment, ce qui se passe pour nous, c'est une grande catastrophe. Pas seulement pour nous, pour tout le monde. Il faudra trouver une solution aujourd'hui parce qu'il y règne trop de désordre qui peut toucher les pays voisins. C'est le moment de réfléchir à régler cette situation. Qu'attendez-vous du peuple algérien et de la communauté algérienne? On a beaucoup de respect pour le peuple et l'Etat algérien parce que tous nos réfugiés ont été accueillis ici (Algérie Ndlr). Quasiment tous les Touareg du Mali consomment des produits algériens. Il n'y a même pas une boîte de tomate qui vient du Mali. Tout ce que mangent les gens chez nous provient de l'Algérie. On voudrait bien que la population et les politiques nous aident car on est là pour rendre ce service dans le futur. Vous jouez la musique Assouf, qui veut dire nostalgie en tamasheq. Est-ce de la nostalgie par rapport à la paix d'antan? Assouf c'est quelque chose qui habite chaque humain. Tout le monde est assouf. C'est la sensibilité de chacun. Quand quelqu'un est triste, ou quand il y a un silence qui te parle, c'est trop compliqué à traduire. C'est pire que la nostalgie. Mais en même temps tu n'es pas malheureux. Il y a quelque chose qui vibre en toi et Assouf c'est la nostalgie du désert, de la culture de tout, tout ce qui est en train de disparaître.. Cela fait quoi de se produire sur les scènes du monde entier et quel regard portez-vous sur votre succès phénoménal. On a eu une grande chance car un Touareg qui est planté avec son chameau quelque part et après il se retrouve en Amérique pour nous c'est une satisfaction dédiée à tous les Touareg algériens ou maliens. Il y a plein de choses à faire entre nous les Touareg, d'Algérie et du Mali. Donc, on est très content d'avancer dans le domaine musical et culturel. Quoi de nouveau actuellement chez Tinariwen? Chaque soir il y a des choses nouvelles. On n'a jamais répété, nous, on joue su scène. On joue ce que chacun ressent. Chaque minute tu ressens quelque chose. Donc chaque minute il y a quelque chose de nouveau. La musique continue son chemin à chercher comment sauver les choses. Vous avez fait pas mal de duos, continuerez-vous à en faire d'autres et avec qui? Notre tente, notre CD, notre coeur est ouvert à tout le monde. On est contents de rencontrer et enregistrer avec d'autres musiciens. Un nouvel album en vue, croit-on? Je pense, l'année prochaine Inch Allah. On ne sait pas exactement ce que cela va donner parce que nous, on chante tout le temps sur la situation actuelle, tout le temps. On suit les nouvelles et après on essaye de trouver les textes et la poésie qui s'adaptent. De toute façon, la poésie, les Touareg sont un peuple qui vit avec ça. La poésie c'est notre politique. C'est notre guerre à nous, elle se passe à travers la poétique. Avez-vous connu feu Athmane Bali? Oui, bien sûr. C'est une personne qu'on respecte énormément. On connaît aussi son fils Nabil qui grandit tout doucement. La musique a besoin de temps pour arriver à créer quelque chose qui t'appartient, où c'est toi qui parle pas quelqu'un d'autre... Donc, on n'arrête pas le combat, on continue la résistance par les mots, le tamasheq..avec vos armes qui sont le texte et la guitare, autrement, malgré la situation au Mali., on ne laisse pas tomber... Bien sûr qu'on ne laisse pas tomber la musique. Nous, on a pris les armes, après nous les avons laissées tomber. Parce qu'on a trouvé l'arme plus puissante qui est la musique et l'arme qui peut aller très loin. C'est la seule arme qui peut toucher le coeur. Qui peut créer l'amour même à distance. C'est pour cela que nous avons choisi cette arme. On utilise nos paroles, la poésie et nous recherchons la paix à travers elle. Nous sommes un peuple guerrier depuis la nuit des temps. Notre histoire en témoigne. Ce sont les guerres qui nous ont éliminés. Aujourd'hui on apprend à lutter contre nos traditions, pour notre désert. Aussi s'il n'y a plus de Touareg qui y vivent, et ne voir que des usines, ce sera une grande perte pour l'humanité. La situation de la femme se dégrade aussi dans le désert au Mali. Des femmes targuies ont subi récemment la répression lors de manifestations. Jamais! C'est impossible! Si tu es plus fort que moi tu peux faire des choses mais si la force est égale, je ne te laisse pas faire ça. Chez nous, la femme a sa place à vie. Je ne crois pas que cela va changer. C'est quelque chose qui est en nous.