La Russie, qui accueille pour la première fois un sommet du Forum de coopération économique Asie-Pacifique, va tenter d'affirmer sa présence en Extrême-Orient, formidable réservoir d'opportunités à l'heure où l'Europe est en crise. «La part de la Russie dans le commerce total de la région (Asie-Pacifique) est pour l'instant d'environ 1%. Cela ne correspond clairement pas au profil politique ni aux intérêts économiques de la Russie», a récemment observé lors d'une conférence de presse Guennadi Ovetchko, ambassadeur plénipotentiaire de la Russie à l'Apec. Un paradoxe alors que le pays regorge de ressources en énergie et matières premières, dont sont friands ses voisins asiatiques, en pleine ascension. Mais pendant longtemps, Moscou a préféré regarder vers l'Europe, son principal partenaire commercial, et tourné le dos à cette zone, considérant même certains voisins tels que la Chine comme une menace. Le Premier ministre russe Dmitri Medvedev s'est d'ailleurs encore récemment alarmé de l'afflux en Extrême-Orient russe d'immigrants venus de pays limitrophes, dans une allusion claire aux travailleurs chinois. Or, les difficultés économiques des pays occidentaux ces dernières années ont fait prendre conscience au pouvoir russe qu'un rééquilibrage de sa politique vers l'Est était indispensable. Désormais, «le rythme de croissance économique de la Russie va dépendre de ceux des pays de l'Apec», un club qui regroupe 21 pays de la façade Pacifique, dont les Etats-Unis, la Chine ou le Japon, a souligné jeudi le ministre russe des Finances Anton Silouanov. Dès lors, «la Russie va essayer d'utiliser l'occasion du sommet de l'Apec pour changer son image et apparaître pas seulement comme un pays européen mais comme un pays de l'Asie-Pacifique», déclare Vassili Mikheev, expert à l'Institut d'économie mondiale et de relations internationales (IMEMO). Dans cette perspective, les autorités russes ont choisi l'île Rousski, non loin de Vladivostok, à quelque 6.000 km à vol d'oiseau de Moscou, pour accueillir cette manifestation, une décision loin d'être évidente au départ. Car la cité portuaire, interdite aux étrangers à l'époque soviétique puis négligée dans les années qui ont suivi la chute de l'Urss, manquait encore il y a encore quelques années d'infrastructures basiques telles que des stations d'épurations. Face à ces handicaps sérieux, de nombreux hauts responsables conseillaient au président russe Vladimir Poutine d'organiser cet événement international à Moscou ou à Saint-Pétersbourg. Mais «un sommet à Vladivostok est un choix symbolique», souligne Dmitri Trenine, de l'antenne moscovite de Carnegie. «C'est un témoignage de la volonté non seulement de relever le niveau de vie dans les confins orientaux russes, mais aussi de considérer son territoire oriental comme une interface entre l'Asie, le Pacifique et la Russie», dit-il. Pour y parvenir, les autorités russes ont investi plus de 20 milliards de dollars - une somme colossale - pour construire des ponts, un aéroport, ou encore des routes dans la ville. Un projet destiné par ailleurs à rendre plus attractif l'Extrême-Orient aux yeux des Russes et tenter de repeupler cette région qui souffre depuis les années 1990 d'un exode massif de sa population vers la partie européenne du pays, à la recherche de meilleures conditions de vie. Signe de ce nouvel intérêt pour cette région, M. Poutine, de retour au Kremlin depuis mai, a d'ailleurs créé un nouveau ministère, dédié exclusivement au développement de l'Extrême-Orient russe.