«Je ne me permettrai pas de juger mon personnage» Fu'ad Aït Aattou né le 2 novembre 1980 est un mannequin et acteur français. Né d'un père d'origine marocaine amazighe et d'une mère française, il passera son enfance dans le Nord de la France, avant de partir pour Paris et d'intégrer une école d'art dramatique durant trois ans (Cours Florent). Alors qu'il passe des auditions, il poursuit activement sa carrière de mannequin et joue dans la publicité du parfum Cinéma d'Yves Saint-Laurent. Sa carrière d'acteur ne débute réellement qu'en 2007, quand il est repéré par la réalisatrice Catherine Breillat dans un café parisien. Elle voit en lui le personnage principal de son prochain film, le dandy Ryno de Marigny dans Une vieille maîtresse.Cette rencontre décisive le met sur le devant de la scène et lui permet de jouer face à des actrices reconnues du cinéma indépendant, telles Asia Argento et Roxane Mesquida. Et c'est ainsi qu'il se fait remarquer par Alexandre Arcady qui retrouve en lui les traits de son personnage Younès/Jonas pour jouer dans son film Ce que le jour doit à la nuit.. L'Expression: Pourquoi avoir accepté de jouer dans ce film? Fu'ad Aït Aattou: Cela pouvait se passer dans n'importe quel pays du monde à n'importe quelle époque. En fait c'est un film sur fond de Guerre d'Algérie, mais sur l'amitié, sur les copains et sur l'amour et la guerre n'est qu'une épreuve terrible pour mettre justement à l'épreuve l'amitié. «L'amitié à tout prix, l'amitié pour la vie» (phrase citée dans le film trois fois, Ndlr), je crois que ça parle plus de ça que de la Guerre d'Algérie. Je remercie le réalisateur de nous avoir permis de partager ce rêve en jouant dans ce film... Aussi, je me suis un peu renseigné sur la Guerre d'Algérie du côté pied-noir ou français, il y a une chose que j'ai tout de suite remarquée: la Guerre d'Algérie en France, on n'en parle pas. Les gens qui l'ont vécue n'en parlent pas du tout et c'était très touchant quand j'ai fait les avants-premières, en Province, de voir à quel point les gens se lâchaient, des bonhommes qui pouvaient être mon père qui venaient nous voir après, ils ont la larme à l'oeil. La grosse qualité du film est de ne pas être un film politique. C'est un film qui ne fait la morale à personne mais c'est un film optimiste. Est-ce que c'est la même version de cette histoire racontée en France que l'on a pu retrouver dans le film? Franchement, oui. Est-ce que le fait d'être moitié Marocain, ou Maghrébin vous a un peu servi dans la compréhension de l'histoire de la Guerre d'Algérie et de quelle façon a-t-elle contribué? Non, franchement ce serait mentir de dire cela. Mon père est Marocain. Il n'a pas du tout vécu la Guerre d'Algérie.Déjà, cela ne le concerne pas et c'est très étranger pour moi. Je me suis renseigné sur le film. En fait, ce film serait joué dans n'importe quelle partie du monde, je l'aurai joué de la même manière. Vous vous êtes donc documenté, préparé pour ce rôle? Je me suis documenté effectivement, plus pour ma culture personnelle d'abord. Et pour me libérer de cette histoire car je pense qu'en tant que personnage du film, nous on est très subjectifs. Comme je vous l'ai dit, je l'aurais joué de la même manière, peu importe l'époque ou le pays. Le film est sur fond de Guerre d'Algérie mais sur les copains et l'amour.. Au-delà de l'amour, comment percevez- vous votre personnage avec un peu de distance: mou, pas assez engagé, passif? Je ne me permettrai jamais de juger un personnage que je joue mais je comprends votre question. Mon personnage est un peu central. Il symbolise le conflit du film. C'est-à-dire c'est quelqu'un qui ne peut pas choisir son camp parce qu'il y a des gens qui l'aiment des deux côtés. Il comprend à la fois la légitimité de Jeloul qui est du côté des Algériens du FLN, il comprend sa légitimité mais celle de sa tante aussi qui est née en Algérie et qui a vécu en Algérie donc pour elle c'est son pays. Personne n'a cité le mot «engagement» lors de cette conférence, ni même le réalisateur. Jonas ne peut pas s'engager, après, les autres oui ils s'engagent. Jeloul dans le FLN. Il y a le personnage qui est joué par Olivier qui s'appelle Jean-Christophe qui s'engage du côté de l'OAS. Même Fabrice (Joue le rôle d'un journaliste Ndlr) qui, lui, est Français, s'engage pour l'Algérie indépendante. Le réalisateur ne le mentionne pas car ce n'est pas un film politique. Le film ne prend pas partie pour telle ou telle personne, il ne fait pas la morale à quelqu'un. Je pense que ce serait d'ailleurs déplacé pour nous de le faire. Il n' y a pas de parti pris politique. D'ailleurs ce qui est beau dans le film c'est qu'il n'est pas un film politique. Si les gens veulent un film politique, eh bien je les conseille de ne pas aller le voir. Ce n'est pas un film qui va donner la morale à quelqu'un. Après, c'est évident que pour des gens qui ont vécu cette période de près ou de loin, c'est normal que cela résonnera de manière différente, certainement plus profonde que pour nous. Mais ce n'est pas un film politique ou militant...