Scène du film Jonas ou ce symbole de l'entre-deux, n'est-il pas finalement le meilleur exemple du désir de réconciliation franco-algérienne? Mélodramatique à souhait, l'adaptation du livre de Yasmina Khadra, Ce que le jour doit à la nuit par le réalisateur de Coup de Sirocco, Alexandre Arcady, d'après le scénario de Daniel Saint-Hamont nous a laissé quelque peu sur notre faim, un sentiment mitigé, hier matin, lors de la projection presse. Quelques modifications pratiques et des raccourcis mais le sujet y est. Mais alors pourquoi ce sentiment? Peut-être parce que parfois le lyrisme littéraire et les portes du phantasme qu'ouvre l'imagination et procure et un livre se doivent de rester confinés dans les limbes de l'intimité et ne pas sortir à la lumière quitte à gâcher leur aura romantique.. Le best-seller Ce que le jour doit à la nuit livre relu pour la circonstance, est terrible, impitoyable, viscérablement bouleversant et émouvant. Le film, quant à lui, est bien soigné avec une mise en scène impeccable, des acteurs beaux souvent filmés de près avec un cadrage des plus mesurés et une image superbement lumineuse mais hélas la magie du cinéma n'opère pas. Décidément, on n'aura pas notre Autant en porte le vent comme l'a susurré à demi-mots le réalisateur! Le pitch du film: Algérie, années 1930. Younès a 9 ans lorsqu'il est confié à son oncle pharmacien à Oran. Son père, de guerre lasse, après avoir perdu ses terres, emportées par le feu, finit par abdiquer pensant que son fils aura plus de chance de s'en sortir auprès de son frère, plus aisé financièrement, pharmacien de son état et marié à une Française. Cet oncle militant du PPA et fervent admirateur pacifiste de Messali Hadj est campé par Fellag. Rebaptisé Jonas, il grandira parmi les jeunes de Rio Salado dont il devient l'ami. Dans la bande, on citera Fabrice, le journaliste-poète, Jean-Christophe épris d'Isabelle et Simon devenu couturier plus tard et assassiné par les fellagas après s'être marié et eût eu un bébé avec la fille dont tout le monde va tomber sous le charme et tenter de séduire sauf Jonas. Et pour cause! Emilie- son nom- son amie d'enfance n'est autre que la fille de madame Cazenave avec laquelle il aura un jour une aventure. Cette dernière, campé admirablement par Anne Parillaud viendra le supplier plus tard pour laisser tranquille sa fille et lui faire la promesse de ne jamais la toucher... Entre Jonas alias Fu'ad Aït Aattou et sa fille (Nora Arnezeder) naîtra une grande histoire d'amour étouffée dans l'oeuf. Elle sera bientôt troublée par les conflits qui agitent le pays. Rattrapées par la guerre puis l'indépendance de l'Algérie, les amitiés se dispersent, certains se marièrent et eurent des enfants, restera Jonas, seul, végétant dans sa pharmacie et tentant désespérément de retrouver Emilie, en vain. Jusqu'au jour où son fils Michel lui apprend son décès. Et c'est le départ à Marseille pour se recueillir sur sa tombe... Nous sommes en 2010. Un moment solennel mais quelque peu escamoté. Car le harki Krimo qui veillait sur la famille Cazneave vient à la rencontre de Jonas devenu vieux et s'ensuivra une confrontation sourde où le harki reprochera à Jonas son mutisme et surtout cette guerre civile qui sévit en Algérie, autrement dit le terrorisme. Il lui reprochera presque la mauvaise nature des Algériens qui, après le départ des colons et des juifs, se sont mis à s'entretuer. C'est ce qu'on peut découvrir dans le roman mais pas dans le film.... Sans doute un chapitre qui fâche... Le réalisateur a préféré mettre à sa place un Jean-Christophe, qui au lieu de promettre à son ami de retourner en Algérie, un pied noir un peu aigri mais sans rancune qui avoue ne plus avoir de place «là-bas» sans jamais oublier ce qui s'est passé ou le fait d'avoir été chassé... «Une nostalgérie» comme l'a si bien écrit Yasmina Khadra dans son roman, bien ancré dans l'esprit de ce «Français d'Algérie» qui plaide pour autant pour la paix et le retour à la fraternité pour une jeunesse d'aujourd'hui qui n'a peut-être pas choisi d'où elle vient, ni ses parents, ni les siens. «Mais est-ce que les gens naissent égaux en droit à l'endroit?» chante à juste titre, Maxime Le Forestier.. Sans doute que non et Jonas bien qu' à l'apparence mou, timoré et passif, restera fidèle jusqu'au bout à son pays d'origine, la terre de ses ancêtres, avec ses vieux paysans et cailloux comme l'a été l'Algérie bien avant l'arrivée du colon qui, lui, croit dur comme fer, que c'est lui qui est à la source de la générosité de cette terre... un personnage campé d'ailleurs par un Vincent Perez particulièrement juste dans son interprétation. Loin d'intenter «un procès» au colonialisme, Arcady donne la part belle à l'émotion pour attirer vers lui le spectateur qu'il soit Français, pied-noir ou Algérien d'Algérie pour oser parler et se dire tout en face non sans filmer les rencontres et les séparations, les déchirures du passé et du présent. «Trouver enfin les mots», même si avec du retard et après beaucoup de malheurs et de batailles... 50 ans après, l'essentiel ne serait-il pas, comme l'a si bien écrit Yasmina Khadra, que l'amour triomphe de tout, mais sans renier pour autant le passé ou le glorifier. Sortir enfin encore plus fort de ses blessures et poursuivre sa vie. Jonas ou ce symbole de l'entre-deux, n'est-il pas le meilleur exemple du désir de réconciliation franco-algérienne? Qui mieux, en effet, que ce duo tragique qui arrivera à se pardonner pour faire raviver de nouveau les flammes de l'espoir, même bâti sur un tombeau? tente de nous dire ce film de 2 heures 30. La sortie nationale de Ce que le jour doit à la nuit en Algérie est prévue début octobre. Le film sera projeté dans les grandes villes. Des rencontres-débats sont aussi prévues dans plusieurs universités avec Yasmina Khadra