Les monarchies du Golfe se signalaient par un silence de plomb Le film «Innocence of Muslims» (l'innocence des musulmans) produit aux Etats-Unis et dénigrant l'islam, a enflammé les pays musulmans. La projection du film anti-islam américain a fait rejaillir les feux de l'ancien volcan du choc des civilisations. En effet, après la mort de l'ambassadeur des Etats-Unis et 3 de ses employés à Benghazi dans l'attaque contre le consulat américain, les feux de la «fitna» se sont propagés et répandus de par les pays musulmans où des milliers de citoyens se sont rassemblés et se sont attaqués aux symboles occidentaux en général et américains en particulier. Le film «Innocence of Muslims» (l'innocence des musulmans) produit aux Etats-Unis sous le pseudonyme de Sam Bacile et dénigrant l'Islam, a enflammé la rue en Egypte et en Libye, avant de se propager dans les reste du monde musulman où des manifestations plus ou moins violentes ont marqué les journées de jeudi et d'hier. En effet, du Maghreb au Pakistan en passant par l'Inde, le Bengladesh et l'Indonésie, les rues ont grogné et criaient leur colère et leur dégoût. Elles ont dénoncé, souvent par des actes de violence et des sit-in devant les chancelleries occidentales, le film anti-Islam américain qui porte atteinte au prophète (Qsssl) et par ricochet à la religion d'un milliard et demi d'êtres humains. Ainsi, au Soudan, une dizaine de milliers de manifestants ont tenté de s'attaquer à l'ambassade des Etats-Unis à Khartoum, après avoir attaqué celles de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne. L'ambassade allemande à Khartoum a été la cible d'attaques de manifestants prêts à la violence. Quelque 5 000 manifestants islamistes ont mis le feu à l'ambassade d'Allemagne à Khartoum, après avoir arraché le drapeau allemand pour le remplacer par un étendard islamiste. Les mêmes scènes se sont aussi déroulées en Tunisie et au Maroc. Notons, par ailleurs, que des manifestants islamistes protestant contre un film dénigrant l'Islam ont attaqué et incendié hier l'école américaine de Tunis, située à quelques dizaines de mètres de l'ambassade, selon l'agence officielle TAP. «Mort à Israël» «Les manifestants, qui ont attaqué vendredi l'ambassade américaine à Tunis, ont mis le feu à des bâtiments de l'école américaine située près de l'ambassade et saccagé le matériel qui s'y trouve», a rapporté l'agence, citant l'un de ses journalistes. Les islamistes issus de la mouvance salafiste se sont rassemblés hier devant l'ambassade des Etats-Unis dans la banlieue de Tunis pour dénoncer le film par qui la violences est arrivée. Heureusement que les forces de l'ordre sont intervenues pour contenir les manifestants. En Egypte, les manifestants, notamment les salafistes, se sont attaqués également à l'ambassade des Etats-Unis. L'intervention des forces de l'ordre pour sécuriser l'ambassade US a occasionné des blessures pour quelques 200 manifestants. Même scénario en Irak et au Yémen. Ainsi au Yémen, la police a tiré en l'air pour repousser des manifestants qui s'approchaient hier de l'ambassade américaine, au lendemain de la mort de quatre personnes dans la prise d'assaut de la chancellerie US. En Iran, des dizaines de milliers de personnes, criant «Mort à l'Amérique» et «Mort à Israël», ont manifesté dans le centre de Téhéran pour protester contre un film jugé insultant pour l'Islam, selon des images de la télévision d'Etat. Les Palestiniens ont, de leur côté, manifesté après la prière hebdomadaire contre un film islamophobe - produit et réalisé aux Etats-Unis avec des fonds de sionistes américains - dans la bande de Ghaza à Jérusalem-Est occupée par Israël. A Ghaza, le chef du gouvernement du Hamas, Ismaïl Haniyeh, qui a pris la tête du cortège de plusieurs milliers de personnes, a de nouveau exhorté «l'Administration américaine à présenter ses excuses à la nation arabe et musulmane pour ce film insultant et à traduire ces criminels en justice». Par ailleurs, plusieurs manifestations ont eu lieu à l'appel de mouvements islamistes dans les grandes villes du Pakistan pour dénoncer un film hostile à l'Islam, pour demander la mort de son réalisateur et l'expulsion des diplomates américains en poste dans le deuxième pays musulman le plus peuplé après l'Indonésie. Au Liban, plusieurs manifestations ont eu lieu également. D'autant plus que ces actions de protestation contre le film islamophobe produit et réalisé aux Etats-Unis intervenaient en même temps que la visite du pape Benoît XVI, arrivé hier à Beyrouth pour une visite de trois jours. Mais où sont donc les peuples du Golfe? De par le monde, les pays musulmans dans leur ensemble criaient leur colère contre un, film injurieux pour l'Islam et les musulmans, alors que les monarchies du Golfe se signalaient par un silence de plomb. Ainsi, les monarchies du Golfe sortent du lot et se distinguent des autres pays arabes et musulmans par une journée de vendredi très «calme». Une habitude pourrons-nous dire. Cette position du silence manifesté par les pétro-monarchies n'est pas la première en effet, car même durant l'apparition des caricatures du Prophète (Qsssl), ces dernières se sont également mises à l'écart des pays musulmans en affichant un silence assourdissant et un curieux repli par rapport à la défense de la religion musulmane. Pourtant, dans la réalité, tous les analystes s'accordent à dire que les monarchies du Golfe et à leur tête l'Arabie Saoudite et le Qatar sont à l'origine les nourriciers de l'intégrisme islamiste et moteur mobilisateur et financier du salafisme radical profitant notamment des libertés nouvelles nées après ledit «printemps arabe» pour imposer leur influence sur le Monde arabe. Se servant de leurs chaînes de télévision les monarchies du Golfe s'ingénient à propager la doctrine wahhabite et leur propagande meurtrière. En effet, ce sont surtout, soutiennent des analystes, les chaînes satellitaires religieuses saoudiennes qui ont contribué à propager le discours salafiste, un produit du wahhabisme, dans les pays arabes au cours des vingt dernières années. Mais s'ils étaient réprimés dans plusieurs pays arabes, d'autres régimes les encourageaient en sous-main, «pour diviser les islamistes» et affaiblir notamment les Frères musulmans, estime Basheer Nafi, chercheur au centre d'études Al Jazeera basé au Qatar. A la différence des Frères musulmans, à l'organisation bien structurée et chez lesquels la politique prime, les salafistes se regroupent en petites formations hétéroclites ou en adeptes de cheikhs influents, et ont un message plus religieux et social, axé sur la défense du dogme, selon les spécialistes. «Leur discours politique reste souvent à l'état embryonnaire, et c'est bien la réforme socio-religieuse qui reste leur priorité», explique Stéphane Lacroix, auteur d'ouvrages sur le salafisme dont «Les islamistes saoudiens, une insurrection manquée». Six morts en une journée Trois personnes ont été tuées et 28 autres blessées au cours des affrontements aux abords de l'ambassade américaine à Tunis, selon l'agence TAP qui a indiqué par ailleurs que l'école américaine avait été incendiée. Au Soudan, 2 manifestants sont morts hier à Khartoum, lors de heurts autour de l'ambassade américaine. Au Liban, un manifestant a été tué et 25 autres ont été blessés de même que, 4 personnes ont été tuées jeudi, à Sanaa dans des heurts avec la police.