Le Premier ministre et ministre des Affaires étrangères qatari, Hamad Ben Jassim Al Thani (au centre) La leçon à tirer de cet épisode est que le prince qatari a commis une maladresse diplomatique doublée d'un manque de savoir-vivre. Lakhdar Brahimi, l'émissaire de l'ONU pour la Syrie, n'est pas homme à courber l'échine devant les exigences répétées des Qataris qui tentent de lui imposer leur scénario pour précipiter la chute de Bachar Al Assad. Confirmation a été donnée la semaine dernière en Egypte lorsque le Premier ministre et ministre des Affaires étrangères qatari, Hamad Ben Jassim Al Thani, a commis l'impair diplomatique de convoquer Brahimi dans la suite qu'il occupait à l'hôtel Four Seasons. Cheikh Hamad a été sèchement remis à sa place par Brahimi en refusant de se rendre à sa convocation. Un diplomate arabe a rapporté à la presse que l'émissaire de l'ONU a été intransigeant dans sa réponse. «Si le prince veut me voir, il n'a qu'à venir à mon hôtel», a-t-il rétorqué. Le Premier ministre qatari, qui dirige aussi le Comité ministériel arabe sur la Syrie, s'exécuta sans aucune forme de procès. Il se rendit effectivement dans la suite de l'envoyé spécial de l'ONU. Une fois sur place, cheikh Hamad a cru pouvoir impressionner le diplomate onusien. Il avait un plan à lui dicter. Ni plus ni moins. Celui-ci consistait en un processus qui conduirait à une chute rapide de Bachar Al Assad. Tentant d'accentuer la pression, il demande même une date butoir pour voir ses souhaits se réaliser. L'arrogance et le manque notoire de correction du prince qatari n'ont eu aucun effet. Il s'entendit dire: «Je ne travaille pas comme ça.» Ces révélations ont été publiées par le quotidien français le Figaro qui a eu l'information d'un diplomate arabe ayant assisté à la scène. La riposte de l'ancien ministre algérien des Affaires étrangères a tellement plu aux Syriens qu'ils ont répercuté l'information dans leurs médias. On y voit un signe de rejet des ingérences des voisins de la Syrie, arabes ou turcs qui veulent imposer une transition rapide même s'ils doivent pour cela fournir la rébellion en dollars et en armes. La docilité des Qataris à l'égard des pays occidentaux est fortement réprouvée par Brahimi. Voici un autre extrait de son dialogue avec Hamad Ben Jassim. «Je suis l'envoyé spécial du secrétaire général de l'ONU, je ne veux pas qu'on me fixe de limites», a-t-il encore dit. Sur ce, le responsable qatari a quitté la suite de Brahimi suivi par les membres de sa délégation. La rencontre prévue avec des membres de la Ligue arabe s'est donc déroulée sans les représentants du prince qatari. Brahimi a gagné la manche et il a prouvé qu'il n'est pas enclin à être l'otage de la ligne belliciste de l'Emirat. La position du représentant de l'ONU est perçue comme un avertissement à des membres de la communauté internationale qui veulent s'imposer en gendarmes du Moyen-Orient. Les observateurs peuvent témoigner que la feuille de route de Brahimi n'est pas un simple remake du plan de Kofi Annan. C'est à Brahimi qu'il appartient d'élaborer un plan basé sur ses conclusions suite à ses discussions avec Al Assad, les opposants syriens et des puissances telles que la Chine et la Russie. Son pragmatisme fait grincer des dents l'opposition armée mais l'objectif est noble car il s'agit de mettre fin au bain de sang en Syrie. L'outrecuidance du prince de Doha s'est manifestée la veille du déplacement du représentant de l'ONU en Syrie. Il pensait faire imposer, par le biais de Brahimi, ses visées à Al Assad en le dissuadant notamment de la participation de l'Iran au règlement de la crise. Pour les Iraniens, il est curieux que cette monarchie, l'une des plus répressives au Golfe, s'érige en défenseur de la démocratie chez les voisins. C'est vrai que l'outil de propagande qu'est Al Jazzera avec la bénédiction d'Al Qaradaoui, ne cesse d'inciter à l'effusion du sang syrien. L'attitude du diplomate algérien est la première manifestation à un tel niveau du ras-le-bol de la communauté internationale, des méthode suivies dans le traitement de la crise syrienne. Brahimi n'a de compte à rendre qu'aux membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU et au secrétaire général Ban Ki-moon.