Le malentendu! Des voix, plus ou moins discordantes, se sont fait entendre à propos du film Zabana! réalisé par Saïd Ould Khelifa, qui devrait sortir dans les salles en Algérie le 17 octobre - date symbole marquant la commémoration du massacre, en 1961 à Paris par la police française de centaines d'Algériens, qui manifestaient à l'appel du FLN. Donc, Zabana est revisité par le cinéma! Le premier condamné à mort de la glorieuse guerre de Libération nationale. Il est question de film, donc de fiction. Qui dit fiction, dit dramatisation laquelle va de pair avec de telles oeuvres. Il s'agit d'une oeuvre filmique qui n'est pas un documentaire historique, mais du cinéma qui associe - c'est cela le mérite premier d'une oeuvre cinématographique - fiction et faits réels et/ou historiques liés à la trame de l'oeuvre. Notons que ce ne sont pas les historiens qui ont fait le mythe de la création des USA, mais le cinéma qui a puissamment participé à faire connaître au monde les pionniers de la «conquête» de l'Ouest, qui ont écrit de leur sang l'Histoire de ce qui deviendra les Etats-Unis. Personne n'a jeté à la figure des cinéastes américains, qui ont créé ce mythe, qu'ils ont commis des erreurs de timing ou avoir mal interprété l'Histoire. Cinquante ans après l'Indépendance, on en est encore au «politiquement correct». Des reproches sont faits au réalisateur et au scénariste, Azzedine Mihoubi, à propos du moudjahid et martyr, Ahmed Zabana. La même levée de boucliers a bloqué durant plusieurs mois la sortie du film d'Ahmed Rachedi Benboulaïd, l'un des pères de la Révolution algérienne. Le même blocage met en stand-by le film retraçant la militance et la mort - tragique - du héros de la Bataille d'Alger, Mohamed Larbi Ben M'hidi que doit tourner Bachir Deraïs. C'est la même paralysie qui a empêché le tournage de Krim Belkacem d'Ahmed Rachedi, film dont le premier clap a été donné le 17 septembre dernier. Le film sur l'Emir Abdelkader est toujours en attente. Cela pour dire que les «gardiens du temple» - du moins ceux qui se sont autoproclamé tels - sont prompts à interdire ou à mettre leur veto à des oeuvres de fiction (littéraires, cinématographiques, théâtrales ou picturales) ayant pour thème la Révolution nationale et la guerre de Libération. Ceux qui s'érigent aujourd'hui en censeurs, ont-ils couché noir sur blanc leur témoignage, dit ce qu'ont été les prisons de la colonisation - cf; les prisons du Coudiat à Constantine et de Barberousse à Alger -, les camps d'internement - comme Bossuet (Oran) et Paul Cazelles (Aïn Ouassara) - et d'une manière générale, raconté ou filmé les affres dont ont souffert singulièrement les militants de la cause nationale? Peu d'écrits, peu de films ont été consacrés à cette période du vécu des Algériens et encore moins aux faits particuliers qui ont marqué la Révolution. Tous les peuples ont besoin de leaders, des Hommes hors du commun, du moins qui sortent du rang. L'Algérie en a produit qui, les premiers, ont compris la nécessité de lutter pour se libérer du joug colonial. Pourquoi a-t-on tu leurs noms? Pourquoi ne les a-t-on pas célébrés comme il se devait? Massinissa, qui a dirigé un grand royaume, la Numidie, et imposé sa suprématie à Carthage et Rome - quand la Gaule (la France) était encore plongée dans les limbes de l'Histoire - est toujours orphelin d'une reconnaissance de ses descendants; c'est le cas de Syphax, Jugurtha, Juba I et II, La Kahina, Koceila, Tarek Ibn Ziad, Ibn Tachfin, Yaghmoracen, Fadhma N'Soumer, Ahmed Bey (quel fantastique scénario serait la «Bataille de Constantine», 1836-1837, où plusieurs généraux et maréchaux français sont tombés aux portes de la ville avant que la citadelle de Cirta ne cède) ou plus près de nous, outre les noms cités plus haut, ceux de Messali Hadj - père du premier parti indépendantiste algérien - de Mohamed Boudiaf (dont la génération de l'Indépendance ne l'a découvert qu'en 1992, 30 ans après l'Indépendance). Ils sont des centaines de leaders qui, chacun à son époque, ont permis à l'Algérie de résister - elle a plié certes - sans jamais abdiquer. Peu de films ont été consacrés à ces faits d'Histoire. Zabana!, Benboulaïd, les Hors-la-Loi de Rachid Bouchareb, ne sont qu'une halte dans l'immense désert cinématographique national.