Vingt et un films documentaires réalisés depuis 2008 par de jeunes stagiaires de l'atelier de création «Béjaïa doc», portant sur divers aspects de la société algérienne contemporaine, sont présentés par les associations «Cinéma et Mémoire» et «Kaina Cinéma» dans un coffret DVD édité récemment à Alger. Crée en 2007, l'association Cinéma et Mémoire, présidée par la documentariste algérienne Habiba Djahnine, encadre durant une année, six à huit stagiaires sélectionnés sur la base d'un appel à candidature, dans les différentes étapes de réalisation d'un premier documentaire en «lien direct avec la vie et l'environnement» de ces derniers. Les oeuvres des quatre promotions réunies dans le coffret abordent des sujets de société comme l'identité, le rapport à l'espace urbain ou l'engagement associatif, avec un regard personnel et impliqué dans la plupart des documentaires, certains réalisateurs n'hésitant pas à se mettre en scène ou à faire participer leur propre environnement familial au tournage. Les documentaires dont l'objectif est de «construire un regard singulier et intérieur sur la société algérienne», comme le soulignent les formateurs, participent à une forme «d'engagement citoyen» par l'image, en s'attaquant à des problématiques comme la sauvegarde du patrimoine architectural, la préservation de l'environnement ou encore le phénomène de la «Harga» (immigration clandestine). A l'exemple de «C'est à Constantine» de Bahia Bencheikh-El-Fegoun (2008) qui développe une interrogation sur la ville et son rapport à l'identité, en filmant son propre retour sur les lieux de son enfance. Dans la même veine, Tarek Hadj Moknach explore dans «Block-Hous» (2011) l'impact du développement urbain de la ville de Chelghoum El Aid (Est algérien) sur la vie de ses habitants et le lien historique de l'architecture avec la colonisation et les réalisations post-indépendance. D'autres stagiaires comme Aboubekr Hamzi se sont intéressés à des franges «marginales» de la société dans «Elberani» (2010), un documentaire qui va à la rencontre de jeunes désoeuvrés, candidats à l'immigration clandestine et qui ont trouvé dans le rap ou la peinture un moyen d'exprimer leur malaise. D'autres encore comme Abderramane Krimate vont jusqu'à partager la vie de nomades dans le Sud algérien, («Une simple visite», 2009), en mettant en relief la survivance de ce mode de vie et l'adaptation de ces bergers à l'appauvrissement des terres et à la vie moderne. L'héritage culturel et la place de la culture dans la société sont, par ailleurs, mis en avant dans d'autres réalisations à l'instar de «la troisième vie de Kateb Yacine», de Brahim Hadj Slimane (2009) qui va à la rencontre des comédiens de la troupe du dramaturge et poète algérien, ou Hafida Hachem avec «Mon bon dieu, la mer, la nuit», un portrait d'un des «fondateurs de la peinture algérienne moderne» Mohammed Aksouh. Le coffret comporte également des documentaires qui se sont intéressés à la vie associative, à l'exemple de «Défi negh»(Notre défi, 2009) de Nazim Mahouas, un film sur une association d'aide aux enfants handicapés, ou «Yaranegh (Entre nous)» de Amine Aït Ouaret sur des associations culturelles. Il a été présenté aux dernières rencontres du film documentaire de Béjaïa. Des réalisateurs issus des ateliers de «Béjaïa doc» ont été sélectionnés pour participer à des manifestations culturelles internationales, à l'instar de Drifa Mezenner pour son «J'ai habité l'absence deux fois», premier Prix du Festival international du film amateur de Kélibia (Tunisie) 2012 ou de Mériem Achour Bouakkaz pour «Harguine Harguine», programmé à la cité nationale de l'histoire de l'immigration de Paris (France). Habiba Djahnine a, pour sa part, été récemment lauréate du prestigieux Prix néerlandais du Prince Claus pour son engagement dans la vie culturelle algérienne à travers, notamment, l'organisation des rencontres du film documentaire de Béjaïa.