Les Algériens se rendent compte que les élections ne changeront rien à leur quotidien «La différence entre l'homme politique et l'homme d'Etat est la suivante: le premier pense à la prochaine élection, le second à la prochaine génération.» James Freeman Clarke Encore une fois, dans un rituel bien rodé, les citoyens sont appelés à élire des personnes qu'ils ne connaissent pas, ni physiquement ni en termes de performance. Mieux encore, ils vont voter pour de nouvelles têtes alors qu'il n'y a jamais eu de compte rendu. C'est d'ailleurs une caractéristique des élus et des hommes politiques en Algérie. Ils ne rendent pas compte et ne font pas le bilan des actions qu'ils ont réalisées ou pas pour en tirer les conséquences. On invoquera mille raisons plus ou moins valables dans le cas des APC; à savoir qu'ils n'ont aucune prérogative réelle surtout qu'on leur a enlevé le nerf de la guerre constitué par le foncier. Malgré cela, à trois semaines, les panneaux sont encore vides. Certes, on voit de temps à autre des photos de responsables de parti, mais pas ceux qui doivent administrer la cité. Curieusement, les partis n'arrêtent pas de dénoncer les travers de l'administration oubliant que ce sont des élus qui appartiennent à leur mouvance qui sont responsables de la débâcle. Mieux encore, dans une parfaite hypocrisie, ils font monter la pression en criant sur tous les toits qu'ils boycotteront, pour finalement s'inscrire et rentrer dans le rang de la mascarade pour hériter d'une rente et d'une visibilité sociale à l'occasion de ces zerdas. Les candidats ne répondent pas aux critères universels de compétence et d'expérience du terrain. «Les hommes de l'espace politique national, écrit N. Krim, y sont venus, soit par accident, soit par effraction n'ayant en réalité milité ni dans un parti politique ni dans un syndicat leur donnant d'affermir idées et concepts politiques. De fait, tout un fossé existe entre la réalité telle que vécue par les Algériens et les propos lénifiants que tiennent volontiers des «aspirants politiciens» qui donnent l'impression de vivre ailleurs que parmi leur peuple. Telle l'image peu flatteuse que donnent d'eux responsables et édiles locaux. De fait, la mal-gouvernance et autres scandales qui ont secoué ces dernières années les APC et les APW - dont nombre de responsables croupissent dans les prisons - disent combien est la méconnaissance de la gestion communale et le peu de préparation pour cette responsabilité. Le délabrement des communes algériennes laissées en jachère témoigne bien de l'inaptitude des hommes devenus du jour au lendemain «président d'APC» - Monsieur le Maire - incapable de gérer comme il se doit la commune ou la wilaya, nonobstant, certes, le peu de prérogatives dont disposent le maire et le président de l'APW.» (1) Y a-t-il un programme? Une semaine après son lancement, la campagne pour les élections locales du 29 novembre va dans tous les sens. Inconsistante et sans connexion aucune avec la réalité des problèmes dont souffrent les citoyens. Les Algériens sont dégoutés de la politique parce qu'ils se rendent de plus en plus compte que ce n'est pas les élections (législatives ou locales) qui vont apporter une amélioration certaine à leur train-train quotidien. Alors, ils s'en détournent. Combien de partis d'un programme et d'un projet pour la commune, pour la wilaya? «Pour Said Rabia, les discours servis par les responsables des partis politiques et certains candidats ne sont en réalité que la résonance du climat politique délétère qui sévit dans le pays. En réalité, depuis que les Assemblées populaires communales et de wilaya ont perdu le peu de prérogatives qui leur restaient, que leur rôle s'apparente désormais à celui de Netcom, le maire ne peut ni construire des logements ni créer de l'emploi, encore moins être un vecteur du développement local, personne ne croit plus à l'élection municipale. Elle ne constitue plus un enjeu, puisque tout est concentré entre les mains de l'administration. Lors de l'université d'été de son parti, le Front de libération nationale (FLN), Abdelaziz Belkhadem avouait qu'«il ne faut pas demander des miracles à un président d'APC parce qu'il n'en a pas les moyens». (...) Le Rassemblement national démocratique (RND), qui connaît lui aussi un mouvement de contestation dans ses rangs, aborde les prochaines élections presque sous le même angle. Dans son discours prononcé dans la wilaya de Laghouat, le patron du RND a plutôt versé dans la langue de bois. Pour lui, «la prochaine consultation tire son importance du rôle attendu des Assemblées populaires communales et de wilaya pour la prise en charge des attentes quotidiennes des citoyens, (...) pour peu que les élus montrent loyauté et probité et se mettent au service de la communauté». La formation de Louisa Hanoune distille deux discours: le premier est que l'élu local n'a pas de prérogatives, un des responsables du parti, intervenant sur les ondes de la Radio nationale, dénonçait le fait que «le rôle du maire est la collecte des ordures et l'état civil», le second se résume dans la devise électorale du PT, «Prémunir la nation».(2) Comme si les édiles de ce parti sont formatés pour sauver l'Algérie du chaos. Mieux encore et comme l'écrivent les sociologues, les partis politiques planent et parlent de programmes de dimension nationale, voire font dans la géostratégie internationale sans épaisseur, ronflante, sonore et vide alors qu'il s'agit de résoudre des équations locales en termes de qualité de vie du citoyen, en termes de proximité. Le discours politique adopté par la majorité des formations politiques participant aux prochaines élections locales est empreint de «généralités» et manque de «dynamisme», ont indiqué, à l'APS, les sociologues Nacer Djabi et Belkacem Moustfaoui. A ce propos, M.Djabi a estimé qu'une «crise de discours et de programmes» caractérise ces élections locales qui font ressortir un «amalgame» entre les programmes nationaux et locaux. Selon le sociologue, les partis politiques proposent des solutions à de grands problèmes sociaux, à l'instar du chômage et du logement, qui nécessitent des mesures au niveau national. (...) Le fait d'ignorer ces détails par les formations politiques enlève toute crédibilité à leurs discours. Les citoyens reprochent aux élus leur manquement aux promesses tenues lors des campagnes électorales locales, ce qui crée une crise de confiance entre les citoyens et leurs représentants, outre une abstention au vote, a-t-il expliqué. Pour sa part, M.Belkacem Moustfaoui a estimé que la relation entre l'électeur et l'élu demeure «déficiente et limitée.»(...) A chaque échéance locale, l'on constate la «faiblesse» des discours politiques des candidats qui ne concordent pas avec les préoccupations des électeurs, ce qui brise le lien entre les deux parties, bien qu'elles soient issues d'un même environnement et ont des dénominateurs communs, a ajouté le spécialiste. (...) M.Moustfaoui a ajouté que cet état de fait induit un «désintéressement» des citoyens vis-à-vis des campagnes électorales et du vote.»(3) Ce que nous proposons comme feuille de route pour les futurs «élus» La situation est donc limpide: tant qu'il n'y aura pas de feuille de route et de visibilité personnelle du postulant, il y aura méfiance du citoyen. Ce candidat doit être réellement compétent- certains ont parlé d'un diplôme universitaire - et sortir des 200 mots de la langue de bois qu'on lui a appris au parti, sinon il n'y aura pas de confiance. Le problème est que l'on n'a pas défini le rôle du maire. Quelles sont les attentes des citoyens? Quels sont les degrés de liberté des maires en termes d'initiatives. Ses prérogatives se limitent, elles, à signer les attestations, délivrer des extraits de naissance, s'occuper avec plus ou moins de sérieux de l'assainissement et sacrifier au rituel des cérémonies de la famille révolutionnaire? De par le monde, la gestion de la cité consiste à optimiser chaque action, à avoir le sens du devoir au plus haut point et être visible. En Algérie, on ne connait pas les maires. Dans cette contribution, nous rapportons quelques missions universelles dans le cadre du développement durable dévolues aux édiles. Le premier critère est celui de la réception des citoyens qui doit être correcte, étant entendu que le citoyen doit aussi être à même de connaître ses droits mais aussi ses devoirs. Il est dangereux comme on le fait actuellement, de donner la certitude au citoyen que tout lui est dû, qu'il a toujours raison et qu'il peut faire ce qu'il veut. C'est une erreur. Le citoyen est une partie de la solution des problèmes de la cité. Dans ce cadre, l'assainissement de la commune devrait être maîtrisé. La mise en place d'une police communale - l'ancien garde champêtre- à même de faire respecter la loi s'avère nécessaire. Toujours dans le cadre du développement durable et de l'optimisation de la ressource gérée au plus juste, il pourra s'avérer nécessaire de penser à la e-administration qui permet de gagner du temps et de l'argent. Mieux encore, dans certains pays la délivrance d'une pièce officielle (extrait de naissance, certificat de résidence...) est payante. Cette somme même modique permet de diminuer les abus et est une source de financement pour l'APC qui en fera un meilleur usage. A titre d'exemple, la suppression à l'échelle nationale de la délivrance rituelle en début d'année d'un extrait de naissance pour les 10 millions d'élèves, est l'équivalent de 100 tonnes de papier soit l'équivalent de 20 millions de DA! Nous rapportons ci-après quelques idées que l'on pourrait adapter au niveau de la commune. «Entre la crainte d'un concept simpliste pour se donner bonne conscience et l'appréhension d'une approche trop théorique, trop globale et donc peu opérationnelle, il faut aller vers une approche pragmatique du développement durable basée sur l'expérience vécue, le bon sens. Pour concevoir et mettre en oeuvre une politique de développement durable, les élus doivent se mobiliser, mobiliser les acteurs du territoire afin d'approfondir leur réflexion et construire un projet. Le développement durable: l'aménagement de l'espace, le développement économique, l'environnement (l'eau, les ordures ménagères, la biodiversité, l'assainissement), la voirie intercommunale, l'habitat, le cadre de vie, les services de proximité à la population. Le développement durable interroge l'ensemble des acteurs de terrain. Le développement durable oblige à relever: Les défis environnementaux: la disponibilité et la qualité de la ressource en eau, la préservation de la biodiversité, la consommation de foncier, l'anticipation face à la diminution des énergies fossiles, la lutte contre l'effet de serre, la gestion des déchets... Les défis économiques: le passage d'une économie du «plus» à une économie du «mieux», le lien croissant entre agriculture et alimentation des habitants du territoire, la diminution des moyens de l'action publique... Les défis sociaux: l'augmentation des situations de précarité, le vieillissement de la population, l'organisation de la mobilité, la prévention des risques naturels et technologiques... Toutes les compétences «basiques» des communautés ont donc un lien très étroit et très direct avec le développement durable du territoire intercommunal.» (4) Le développement durable est aussi un levier pour aussi créer de la richesse. Il n'est que de voir comment le tri sélectif permet de récupérer, les métaux, le plastique, le verre, le papier à qui il est possible de donner une seconde vie en réduisant les importations. L'expertise des élus, des techniciens et des autres acteurs que sont les citoyens qui chacun avec sa compétence particulière peut et doit contribuer à l'effort général. Dans certains pays, chaque citoyen donne une demi-journée par mois de son temps à sa commune. La commune, en tant qu'entité vivante, implique un mode de gouvernance participatif qui s'appuie sur la concertation et le dialogue et facilite les dynamiques collectives. C'est une ruche toujours bourdonnante d'idées. Ce dialogue permanent aboutit à une évaluation permanente en vue de corriger le tir. Par la force démonstratrice et communicante de la démarche, le développement durable donne envie de s'impliquer. Il parvient même à cultiver une dimension «épanouissante» et conviviale en montrant que l'on trouve plaisir à y participer et qu'il y a des trésors à découvrir dans les pratiques éco-citoyennes, dans le travail partagé, dans la recherche de sens et dans les challenges à relever collectivement. On l'aura compris, il sera peut-être utile à nos futurs édiles de suivre une formation sur le développement durable qui sera certainement profitable à la cité. On pourra aussi valablement créer une vie culturelle en imposant un espace culturel et une libraire au moins par commune. On apprécierait enfin le rôle du ministère de la Culture désespérément absent. C'est cela que nous attendons de ces élections en dehors de la langue de bois des partis qui devient de plus, répulsive. Le Monde bouge, l'Algérie est installée pour le moment confortablement dans les temps morts. Seule une vision d'ensemble où la légitimité de la compétence sera à l'honneur et -en mettant tout à plat avec nos forces et nos faiblesses- permettra de repartir du bon pied. 1.http://www.lexpressiondz.com/edito/163124-quels-hommes-pour-les-apc-apw.html 2. Said Rabia http://www.elwatan.com/ actualite/les-vraies-preoccupations-des-politiques-dans-une-election-sans-enjeu-pour-le-citoyen-10-11-2012-191772_109.php 3. Nacer Djabi, Belcacem Mostfaoui: http://www.elmoudjahid.com/fr/actualites/34579 4.http://www.mairieconseils.net/cs/BlobServer?blobkey=id&blobnocache=true&blobwhere=1250167145362&blobheader=application%2Fpdf&blobcol=urldata&blobtable=MungoBlobs