«Je veux développer notre culture et faire connaître notre patrimoine» Il sera ce soir, à partir de 18h, au Palais de la culture de Kouba pour faire l'ouverture en solo, du Festival international de la danse contemporaine d'Alger. Après 2009 où il s'est produit dans le cadre du spectacle de clôture du Panaf, assuré par Sofiane Aboulegraâ, il revient cette fois pour vous présenter Le voyage de Bousaâdia alias Baba Salem. Le jeune danseur, âgé de 32 ans et peau d'ébène, allie par ses gestes gracieux inspirés d'Afrique, son sentiment de loup voyageur épris de la danse et la voix (e) mystique pour nous emporter avec lui au coeur de ce tumulte spirituel fait de magie colorée et de costume bigarré. Rehaussé de projections vidéos et de rythme gnawa jazz du Maghreb, l'âme en délivrance, prolonge avec nous l'instant mystique de cette image enfouie de son enfance par le biais de la danse. Un moment éblouissant à ne pas rater. L'Expression: Vous allez ouvrir ce soir le Festival international de danse contemporaine qui va se tenir jusqu'au 22 novembre au Palais de la culture avec un nouveau spectacle intitulé Le voyage de Bousaâdia. Un mot là-dessus? Ahmed Khemis: C'est une nouvelle création de cette année. Elle a été créée après une grande tournée avec le chorégraphe londonien Akram Khan. Du coup, j'ai passé deux ans sans m'arrêter. J'ai voulu faire un petit break et retourner aux sources, retrouver mon propre rythme car on avait un rythme de folie, non-stop, dans le monde entier. J''ai réfléchi à ce spectacle et j'ai pensé à Bousaâdia qui est le premier personnage que j'ai vu dans ma vie et qui m'a fait découvrir le mouvement de la danse c'est lui, Baba Salem comme on dit en Algérie. J'ai vu cela à Ouargla d'où je suis originaire alors que j'avais quatre ans je crois, dans le quartier. Il passait comme ça avec un masque et nous, gamins nous en avions peur... Avec un costume très coloré.. Cela a marqué votre enfance... Et du coup, l'idée était de revenir aux sources pour faire quelque chose de nouveau, par rapport à la danse. J'ai dû faire des recherches autour...et de m'inspirer de ce personnage-là avec tout mon parcours...Donc voilà, j'ai décidé d'en faire un solo qui s'appelle Le voyage de Bousaâdia. Je suis d'ailleurs ravi de faire l'ouverture du Festival international de la danse contemporaine en Algérie. Ça va être aussi une première pour moi de participer à ce festival. Vous avez un riche parcours. Vous êtes parti tôt d'Alger pour la Tunisie, puis en France pour compléter vos études... Oui, j'ai été à Tunis, la France effectivement, maintenant je me produis un peu partout dans le monde, et à présent c'est le retour à Alger. Vous n'êtes pas autodidacte faut-il le souligner. Vous avez pris des cours... Bien sûr, cela ne vient pas comme ça. Il faut faire tout une formation, des études autour de la danse. Je suis à la base danseur hip-hop. Dans les années 80, j'ai vu mon frère faire des figures hip-hop, électrique, break-dance. J'étais vraiment très jeune, j'ai suivi, j'ai commencé comme ça. Après, en 1987, mes parents ont voulu partir s'installer à Tunis, j'ai quitté mon frère resté en Algérie. J'ai trouvé une compagnie de danse là- bas et je l'ai intégrée. Il y avait d'autres cultures, d'autres disciplines à apprendre par rapport à la danse, la danse classique, contemporaine, jazz, j'ai pratiqué tout ça... Aujourd'hui, oui, je ne fais et vis que de la danse. Je suis parti en France en 2001 pour faire des études. Je me suis inscrit au Cndc (Ecole supérieure du Centre national de danse contemporaine. Il y avait des gens du monde entier. En fait, tous les deux ans, il y a un casting où peuvent participer jusqu'à 350 personnes pour ne garder qu'une douzaine au bout de cette audition et moi j'ai été parmi eux, en 2001. J'ai passé mes deux ans en formation danse. On y apprend aussi tout ce qui est en relation avec la musique, le cinéma, l'histoire de l'art, l'anatomie, les mathématiques, car il y a un fil conducteur qui relie tout ça à l'art. Ça m'a nourri. Que pourrez-vous apprendre à un jeune Algérien qui n'a pas fait d'école de danse et veut se lancer dans ce domaine? Que doit-il faire? S'il n'a pas fait d'école? Vous savez, moi pendant mon enfance j'ai trouvé beaucoup de difficultés pour faire de la danse, cela émanait de ma famille, mon père, etc. Ils ne nous prennent pas au sérieux. Or, j'ai un diplôme d'Etat international. Tout est en relation avec la pédagogie, la psychologie, le rapport au corps.. Un danseur, quand il se blesse je peux le soigner, s'il a par exemple un problème musculaire... La danse te permet d'avoir une nouvelle approche et sensibilité par rapport à la musique, notamment d'arriver à lire et comprendre un tableau. Apres, il ne suffit pas de danser, je parle de la vie d'aujourd'hui dans mes spectacles. C'est une écriture, C'est un mélange de théâtre, de message, la lumière en dit des choses... Le but du Voyage de Bousaâdia est de faire connaître ce personnage qui a disparu. Aujourd'hui, c'est devenu certes, commercial, mais en réalité, cela relève de quelque chose de très spirituel à la base, c'est notre patrimoine. Je m'inspire de lui ne serait-ce que pour l'amener à l'international. En Europe, on ne connaît pas ce personnage. Je suis danseur chorégraphe, j'amène notre art à l'extérieur. Je veux montrer ma culture, la développer, la faire partager dans le monde entier. C'est ce qu'il faut faire aussi avec la musique, le cinéma, etc. Les jeunes danseurs je les invite vraiment à y aller. Après c'est un chemin qui n'est pas facile comme dans tous les domaines. Mais, si on donne, on reçoit. J'aimerai bien inchallah transmette ce que j'ai appris. Ce projet Le voyage de Bousaâdia est quelque part une forme de symbolique pour moi de celui qui veut retourner dans son pays et y amener son expérience. La mienne. Je n'ai pas pu faire ce spectacle à Johannesburg pour des problèmes techniques mais j'ai prié pour pouvoir le faire en Algérie. J'espère trouver cette écoute et ouverture là en Algérie pour pouvoir transmettre ce que j'aime à la jeune génération entre autres.