Une offensive terrestre contre Ghaza serait une grave erreur Expert des questions sécuritaires, M.Bendoukha aborde dans cet entretien, les dangers d'une offensive terrestre israélienne contre la bande de Ghaza. Tout en qualifiant de ́ ́disproportionnée ́ ́ les opérations militaires menées contre Tel Aviv contre les populations civiles, l'ancien attaché militaire d'Algérie aux Etats Unis est formel: les révolutions arabes ont changé la donne dans la région du proche Orient. L'Expression: L'aviation israélienne a mené de nombreux raids sur la bande de Ghaza vendredi à l'aube, au troisième jour de l'opération militaire israélienne «Pilier de défense». Quelle lecture faites-vous de la situation qui y prévaut? El Hadj Bendoukha: Cette brutale attaque a provoqué une situation explosive dans toute la région, en général et à Ghaza, en particulier. Elle constitue une réaction démesurée et disproportionnée d'Israël contre les populations de Ghaza. Et il faut dire aussi qu'il s'agit d'une attaque qui risque surtout de provoquer une onde de choc aux conséquences chaotiques dans toute la région, qui vit un bouillonnement depuis le Printemps arabe, ayant frappé de plein fouet les pays de la région et à leur tête l'Egypte et la Syrie. Et cela est vérifiable par la décision des autorités égyptiennes qui ont permis l'ouverture du passage de Rafah, pour toute la journée, entre l'Egypte et la bande de Ghaza, unique fenêtre extérieure de l'enclave palestinienne non contrôlée par Israël. Cela constitue un acte qui renseigne sur un changement de cap dans la politique égyptienne concernant le dossier palestinien comparativement à l'ère de Moubarak. Expliquez-vous... Ce changement ne profite guère aux Israéliens qui viennent de perdre un allié de taille dans une région instable. En outre, il faut noter aussi que cette attaque intervient dans un moment où la Syrie vit une guerre civile enregistrant un fort mouvement de groupes jihadistes. C'est un mouvement qui risque de contaminer Israël et ouvrir les voies à la guerre sainte contre elle. Cela en plus, bien sûr, des foyers de tensions en Jordanie, au Liban, mais aussi du fait du rapprochement entre l'Egypte et l'Iran, qui rendent la situation plus compliquée et au désavantage d'Israël, qui ne peut pas se permettre d'ouvrir plusieurs fronts et contre tous les pays de la région. Donc, je pense qu'Israël n'est pas dupe et consentira, bien au contraire, beaucoup d'efforts pour éviter un enlisement dans la région, qui pourrait lui être fatal et aux conséquences désastreuses. Peut-on établir un parallèle entre l'agression israélienne contre Ghaza en 2008 et celle d'aujourd'hui? Non. Je dirais qu'il est impossible d'établir un tel parallèle. Car, l'environnement et les conditions politiques ont totalement changé dans la région depuis les révoltes, survenues dans le sillage de ce qui est appelé le Printemps arabe. Cela dit que la chute du régime de Moubarak en Egypte et l'arrivée des islamistes actuellement conduits par les Frères musulmans, a changé la donne pour les Israéliens qui ont perdu un allié qu'ils manipulaient selon leur propre volonté. Et à ce titre, il convient de rappeler que lors de l'agression israélienne en 2008, Moubarak a bel et bien fermé tous les réseaux de tunnels entre Ghaza et l'Egypte. Disant que le régime de Moubarak avait même pris part à l'embargo imposé par les Israéliens en fermant ces réseaux de tunnels servant aux populations de Ghaza pour s'approvisionner en produits alimentaires. Cependant, aujourd'hui c'est le revers de la médaille, puisque le président égyptien, Mohamed Morsi, a autorisé l'ouverture de tunnel de Rafah, pour toute la journée, au lieu de le laisser rien que pour la demi-journée et ce, pour permettre d'évacuer les blessés vers l'Egypte. A cela s'ajoute sa déclaration à la télévision égyptienne, affirmant officiellement que son pays n'acceptera pas l'agression israélienne contre les populations de Ghaza. Et pour joindre un geste à sa parole, Morsi a même rappelé son ambassadeur. Il s'agit là d'un acte assez significatif à l'égard d'Israël et ses relais. Donc, je pense qu'Israël ne se trouve pas dans le même terrain de manoeuvre dans la région, mais surtout avec l'Egypte depuis la chute de Moubarak. Par ailleurs, il y a également la réélection de Barack Obama pour un second mandat. Cette réélection n'est pas dans l'intérêt d'Israël, qui a d'ailleurs soutenu ouvertement Mitt Romney. Pouvez-vous être plus explicite? Comme je l'ai souligné, les Israéliens ont soutenu le candidat républicain, Mitt Romney, contre le démocrate, Barack Obama, qui plaide pour deux Etats; à savoir l'Etat palestinien et israélien pour asseoir définitivement la paix dans la région, contrairement à son rival. Donc, il faut dire que les Israéliens ne peuvent pas bénéficier du soutien américain selon leur bon vouloir. Car, Obama a bel et bien une feuille de route et un plan pour régler le problème israélio-palestinien. Et Obama prendra sûrement cette fois-ci des décisions capitales au sujet de ce problème, d'autant plus qu'il s'agit de son dernier mandat.