Le général de corps d'armée entend par là se démarquer définitivement du cercle des décideurs. Une délégation militaire turque, conduite par le général d'armée Hilmi Ozkok est arrivée, hier, à Alger pour une visite officielle. Cette visite, note un communiqué du MDN, intervient suite à l'invitation du général de corps d'armée, Mohamed Lamari, chef d'état-major de l'armée algérienne, qui rend la politesse à son homologue après sa visite qu'il a effectuée en Turquie, en septembre dernier. Le MDN précise que la visite du responsable militaire turc s'inscrit dans le cadre de «la poursuite du développement des relations d'amitié et de coopération entre les forces armées des deux pays». En fait, le patron de l'ANP continue ses larges consultations tous azimuts, en vue d'abord de réintégrer l'armée algérienne dans ses ensembles militaires méditerranéens, et ensuite d'essayer de se poser comme une force militaire capable de peser de tout son poids sur des événements d'ordre régional, qui peuvent consister en des missions humanitaires de sauvetage ou de maintien de l'ordre, et qui s'inscriraient sous l'égide de l'ONU ou de l'Otan. Depuis trois ans, Mohamed Lamari a multiplié les voyages, les contacts et les visites de travail, avançant inlassablement ses deux atouts maîtres: le retrait de l'armée de la vie politique algérienne et la professionnalisation de celle-ci avec l'aide des grandes puissances. Deux atouts maîtres qui ont fait mouche. Et on constate aujourd'hui que non seulement Lamari a réussi à convaincre, mais aussi qu'il devient un pôle d'attraction dans un jeu de stratégies de puissance qui veut que l'Algérie doit s'intégrer à des ensembles militaires précis. Le message lancé à l'endroit des acteurs politiques algériens est d'être eux-mêmes responsables des décisions qu'ils prennent et d'en assumer seuls, les conséquences. Par là, Mohamed Lamari entend se démarquer clairement du cercle des décideurs et de se consacrer à ses missions constitutionnelles, hors de toute implication militaire ostensiblement affichée. Longtemps tenu pour responsable des dérives politico-militaires survenues en Algérie depuis 1988, l'institution militaire coopère aujourd'hui avec l'OTAN, les Etats-Unis et les grandes puissances et quitte peu à peu le banc des accusés dans lequel elle s'est trouvée confinée. Plusieurs exercices navals militaires ont été effectués en Méditerranée sous l'égide de l'OTAN, ou en concert avec des puissances occidentales, comme ce fut le cas récemment avec les forces navales italiennes. Seulement, ces retraits intentionnels et progressifs de la vie publique n'indiquent pas, non plus, des différends avec le président de la République, Abdelaziz Bouteflika. Bien au contraire, l'armée ne semble jamais avoir été aussi à l'aise qu'actuellement, car, entendons-nous bien, c'est bien le retour progressif de la politique étrangère algérienne vers la communauté internationale qui a permis à l'ANP de retrouver son aplomb et de se lancer dans une vaste opération de charme. Reste seulement à connaître avec précision en quoi consiste ces fameuses «lignes rouges» que l'état-major de l'armée trace aux présidents depuis une douzaine d'années...