Zerhouni chapeaute de facto l'ANP depuis le départ du général Lamari et la visite à Alger de Mme Alliot-Marie. La rumeur continue d'aller crescendo à propos d'un éventuel remaniement gouvernemental. Celui-ci verrait, pour la première fois de l'histoire de l'Algérie indépendante et pluraliste, la nomination d'un ministre civil à la tête de la Défense nationale. La décision, parfaitement logique, s'inscrit en droite ligne des nombreuses réformes entreprises par le président Bouteflika, et qui ont connu une accélération notable depuis sa réélection à la tête de l'Etat avec un score exceptionnel, constituant un véritable blanc-seing aux mains de Bouteflika. La disparition, désormais, d'un pouvoir «bicéphalique», pour reprendre une expression chère à Louisa Hanoune, secrétaire générale du PT, place tous les pouvoirs entre les mains d'un seul homme, qui avait eu l'heur d'afficher ostensiblement la couleur en indiquant refuser d'être un «trois-quarts» de président. «Neutralisée», selon le propos d'un grand analyste nommé Hamrouche, l'armée n'a pas eu son mot à dire lors de cette dernière présidentielle. Elle s'est, en revanche, résolument placée sous la tutelle du chef de l'Etat à l'occasion d'un discours historique fait par le premier magistrat du pays à l'occasion de la fête de l'indépendance, le 5 juillet dernier. C'est à partir de ce moment, du reste, que les spéculations ont commencé à aller bon train à propos d'un éventuel remaniement gouvernemental qui soit plus conforme aux nouvelles données politiques, mais aussi à la vision réformatrice du président. Depuis que le terrorisme a été vaincu militairement, il n'y a aucun inconvénient à ce que le ministre de la Défense soit un civil d'une part, et différent du chef suprême des armées, de l'autre. L'ancien chef d'état-major, dans un très remarqué entretien, dans lequel il ne refusait plus qu'un islamiste comme Djaballah accédât à la tête de l'Etat, indiquait lui-même ne pas être contre l'arrivée d'un civil à la tête du MDN (ministère de la Défense nationale). La vision, qui colle parfaitement à la notion d'Etat moderne et démocratique que prône Bouteflika, a commencé à se cristalliser le jour de la visite inédite à Alger de la ministre française de la Défense, Mme Michèle Alliot-Marie. Celle-ci, en effet, a eu pour vis-à-vis le ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni. Le général Mohamed Lamari, absent tout au long de la visite, avait déchaîné les spéculations et les interrogations. Censé être en congé, selon Zerhouni, il ne devait pas moins annoncer sa démission, par le biais d'un communiqué présidentiel, à peine quelques jours après la visite de la responsable française, au mois d'août dernier. Le sort en était jeté. Ne restait plus qu'à mettre la forme et à choisir l'occasion pour formaliser ce que tout le monde accepte comme un fait accompli : Yazid Zerhouni, interpellé et chargé de toutes les affaires de sécurité et de défense du pays, occupe de facto le poste de ministre de la Défense nationale. Or, voilà que la rencontre des 5+5 vient en quelque sorte conforter une pareille vision, redonnant plus de «crédit» à la rumeur qui indique que le chef de l'Etat aurait l'intention de procéder dans les tout prochains jours à un léger remaniement gouvernemental, à l'occasion duquel il nommerait un ministre de la Défense. La professionnalisation de l'ANP, mais aussi son entrée en force dans la grande stratégie sécuritaire de l'Otan pour le sud de la Méditerranée, répondent elles aussi à un pareil impératif. Cela ne l'ôte en rien aux mérites ni actions techniques sur le terrain, des officiers de notre armée. C'est dans ce cadre, qu'en parallèle de la présence de Yazid Zerhouni à Paris pour la rencontre des ministres de la Défense des 5+5, notre chef d'état-major, le général-major Ahmed Gaïd Salah effectue à partir d'hier une visite officielle en République turque. C'est ce qu'indique un communiqué rendu public par le MDN qui ajoute que cette visite, qui fait suite à l'invitation du chef de l'état-major général des Forces armées turques, le général d'armée Hilmi Ozkok, intervient après la visite qu'a effectuée en Algérie, en décembre 2003, le général d'armée Hilmi Ozkok. Elle s'inscrit dans le cadre des relations de coopération militaire bilatérales et «permettra aux deux parties d'examiner les questions d'intérêt commun».