Dans un rapport sur la dernière agression israélienne, le groupe de réflexion International Crisis Group (ICG) estime que «le mouvement islamiste a prouvé qu'il était l'acteur central de la politique palestinienne». Le chef en exil du Hamas, Khaled Mechaal, qui achevait hier sa première visite à Ghaza, veut exploiter les succès du mouvement face à Israël et les changements régionaux pour dicter les termes de la réconciliation palestinienne, selon des experts. Sorti d'une maquette géante de roquette exposée en tribune, M.Mechaal a appelé samedi ses partisans, rassemblés en foule pour célébrer le 25e anniversaire du Hamas, à «libérer toute la Palestine», mais aussi à la réconciliation avec le Fatah du président palestinien Mahmoud Abbas. «Khaled Mechaal a prononcé un discours très radical», commente Moukhaïmer Abou Saada, professeur de science politique à l'Université Al-Azhar de Ghaza. «Il n'a pas du tout évoqué le fait que le Hamas était prêt à accepter un Etat palestinien sur les frontières de 1967», contrairement à de récentes déclarations. «Bien qu'il ait insisté sur la réconciliation palestinienne, il a parlé d'une réconciliation aux conditions du Hamas, fondée sur les positions du Hamas et le programme de la résistance», explique M.Abou Saada. M.Mechaal et le chef du gouvernement du Hamas à Ghaza Ismaïl Haniyeh «ont parlé comme s'ils étaient sortis victorieux d'une grande guerre», souligne-t-il, après l'agression militaire de l'armée d'occupation israélienne du 14 au 21 novembre contre la bande de Ghaza. Dans un rapport sur la dernière agression israélienne, le groupe de réflexion International Crisis Group (ICG) estime que «le mouvement islamiste a prouvé qu'il était l'acteur central de la politique palestinienne». Le Hamas voulait à cette occasion «vérifier si, en substituant l'Egypte, le Qatar et la Turquie à la Syrie et l'Iran, il avait gagné au change», précise l'ICG, en référence au réalignement des alliances du mouvement palestinien sur les régimes islamistes sunnites. «Le monde doit savoir que, pas plus que nous n'étions inféodés à la Syrie ou à l'Iran par le passé, nous ne sommes aujourd'hui inféodés à l'Egypte, au Qatar et la Turquie», a assuré le chef du Hamas, qui a récemment quitté ses quartiers de Damas pour Doha. «Ses précédentes déclarations étaient plus modérées et lui avaient valu d'être accepté par la Turquie, le Qatar et l'Egypte, ce qui lui a finalement permis d'entrer dans la bande de Ghaza», contrairement au chef du Jihad islamique Ramadan Challah, qui y a renoncé à la suite de menaces d'Israël, souligne Hani al-Masri, expert politique indépendant de Cisjordanie. «Le discours de Mechaal était très dur et fleurait la campagne électorale interne, d'autant plus qu'il l'a prononcé à Ghaza», confirme-t-il, considérant qu'il a «conforté sa position de chef du bureau politique du mouvement», en allusion au renouvellement en cours des instances du Hamas. Naji Charab, également professeur de science politique à l'Université Al-Azhar, juge que l'objectif principal de M.Mechaal «était d'obtenir de la direction du Hamas un mandat pour la réconciliation et il y est parvenu». «Le discours de Mechaal était assez contradictoire, car il se concentrait sur l'aspect émotionnel en s'adressant à l'audience du Hamas à Ghaza, fière de sa victoire, tout en fixant une vision politique pour l'avenir», ajoute-t-il. «Cette visite rappelle celle de Yasser Arafat en 1994 à Ghaza, lors du lancement de l'Autorité (palestinienne), jusqu'au discours lui-même qui était celui d'un homme d'Etat et non d'un chef de mouvement de résistance», relève Naji Charab. israélien Yediot Aharonot dimanche, Eitan Haber, ancien collaborateur du Premier ministre assassiné Yitzhak Rabin, a déploré un discours ayant «fait reculer la paix». «Mais on fait la paix avec ses ennemis», a-t-il rappelé, «et le jour viendra, probablement pas si lointain, où nous devrons parler à Mechaal et à ses affidés».