Une pièce signée Ahmed Benaïssa Les festivités célébrant le 50e anniversaire de la nationalisation du Théâtre national algérien ont débuté mardi soir, entre hommage, expo, chant et pièce de théâtre. Le Théâtre national algérien Mahiedine-Bachtarzi a vu défiler sur ses tréteaux une nouvelle adaptation théâtrale de l'oeuvre éponyme de Kateb Yacine qui, après avoir été travaillée dans le cadre officiel de l'année de l'Algérie en France, dans une mise en scène de Ziani Cherif Ayad, la voilà de nouveau faisant objet d'une nouvelle interprétation plutôt libre, tout en gardant son message intact. Pour 2013 donc, année du cinquantenaire de l'Indépendance de l'Algérie, une adaptation en arabe populaire de Nedjma de Kateb Yacine est mise en scène par Ahmed Benaïssa. Cette Nedjma a été interprétée par un collectif d'amateurs issu d'un atelier de formation qui a duré 40 jours alors que le metteur en scène aurait préféré deux mois et demi. Des jeunes provenant des différentes wilaya du territoire, notamment de Tamanrasset, Annaba, Sétif, Oran, Alger, Tizi Ouzou, Sidi Bel Abbès, Blida, etc. d'où la floraison d'accents entendus sur scène. Dans un décor sobre et dépouillé, la pièce va se décliner en une procession de tableaux au rythme prompt. Un choix assumé car dicté par une volonté de donner à voir et à ressentir un théâtre/cinéma qui hélas, a pu dérouter certains et desservir cette pièce, préparée par ailleurs par Rachid Soufi et dont la dramaturgie est signée Ali Abdoun. Nous le disions, cette pièce est totalement différente de celle de Ziani Cherif Ayad, surtout au niveau de la forme. En effet, là où Ziani a opté pour le minimalisme au niveau du nombre de comédiens, Ahmed Benaissa aura porté son désir sur le quantitatif. D'ailleurs de 30 comédiens M.Benaïssa, s'il pouvait, il aurait selon ses dires, fait appel à une cinquantaine! Car, sans doutes son désir de transmettre à la nouvelle génération est aujourd'hui de plus en plus grandissant. «On m'a dit, on n'a pas lu Nedjma, je leur ai répondu, moi non plus je n'ai pas lu Nedjma. Non pas pour les encourager mais pour les impliquer davantage car c'est un stage de formation. Pour qu'ils aient des interrogations. Et je leur ai dit: Allons, faisons une fiction qui va dans le sens de Kateb Yacine!» a déclaré en aparté le metteur en scène au milieu de la foule en délire à la fin de la représentation, quand enfin le rideau est tombé et le trac avec. Et de renchérir: «Je ne sais pas si on a réussi ou pas.. On a dit que Kateb Yacine est très difficile à cerner, il ne peut pas entrer au lycée, à l'université, mais à la lecture du texte, on a trouvé que Kateb Yacine possède un terroir. On a compris qu'il connaît Lounja, que lui aussi il a eu sa grand-mère qui a dû lui raconter des légendes. Je me suis dit, alors c'est vers ça qu'il faut partir, qu'on raconte l'histoire de Nedjma. Une Nedjma pluraliste, en faisant simplement appel au terroir, avec notre meddah, nos tragédies grecques, avec Stanislavski aussi par ce qu'il y a des scènes intimistes qui sont jouées. Aussi, avec les touarègs, les garagouzs, les jeux d'ombres etc. C'est autant d'outils...». Et de se laisser aller à nouveau sur le ton de la confidence: «J'ai travaillé avec Jean-Marie Serreau qui a été le premier à faire connaître Kateb Yacine en Belgique en 1958, j'ai eu l'opportunité de travailler avec lui. Il s'était basé sur Nedjma, Le cadavre encerclé, La poudre d'intelligence et Les ancêtres redoublent de férocité de Yacine. Moi je ne vois pas ce que ça peut apporter de nouveau si je dis à mon public que Nedjma est la soeur de Mustapha Kateb par exemple. Je ne vois nullement son utilité pour le public. Je voulais aller ailleurs, vers l'essentiel. Kateb Yacine permet des lectures, beaucoup de lectures. J'espère qu'il y en aura d'autres. Je vous assure que j'ai lu Kateb Yacine, mais quand je suis rentré dedans c'est tout autre chose. C'est un sociologue, un anthropologue, un historien, c'est intarissable...». Ahmed Benaïssa qui a fini par dire avec le sourire qu'il aurait voulu interpréter le rôle de Lakhar «mais il y a très longtemps..» nous fait savoir que le casting avec ces jeunes a débuté d'abord au festival national du théâtre d'Alger, pour les repérages etc, ensuite cela s'est terminé à Bougie (Fita). Entre les deux, il y eut Maghnia et Tlemcen. «Je tenais à ce qu'il y ait ce brassage culturel sur scène. Et puis le brassage autour de Yacine c'est magnifique, c'est beau». Un brassage qui s'est traduit de façon inédite au niveau des costumes (kabyles, touarrègs) et des langues (français, arabes et tamashek) et surtout au niveau de la mise en scène (des tableaux de chorales) entrecoupée d'une scène de danse d'une fille en solo, derrière un rideau qui masque sa beauté et accentue encore sa sensualité inaccessible, jusqu'à la rue des Vandales représentée par cette foule du village qui, en se serrant forme un arbre. La pièce de Ahmed Benaïssa qui explore la forme narrative pour mieux restituer cette histoire, se noie par moment dans un trop plein de litanie et de volubilité. Le texte de Yacine aurait-il pris le dessus sur tout? On pouvait aussi reprocher à cette Nedjma ses longueurs par moments et surtout la mauvaise diction dont on fait montre certains de ses comédiens, un problème qui tend à se répéter, hélas, souvent au niveau de tout le théâtre national. Notons enfin, que le programme de ces festivités qui a débuté ce 8 janvier s'étendra jusqu'au 8 février et comprendra, outre diverses représentations théâtrales, des journées d'étude autour de «50 ans de théâtre et l'image», ainsi que des rencontres et conférences. Enfin, plusieurs hommages ont été rendus mardi à de nombreux artistes algériens. On citera Sid Ali Kouiret, Ibrahim Deri et son épouse Rakia Deri, la costumière Safia Kouassi, mais aussi à feu Mohamed Boudia et Rouiched, sans oublier l'ancienne troupe théâtral du FLN notamment.