Un événement profondément enraciné, depuis des siècles au coeur de la société kabyle, et amazighe en général, qui lui confère toute sa dimension sociale, politique et économique. Quand rendra-t-on justice à l'identité amazighe? Année après année la question revient, lancinante: quand célébrera-t-on Yennayer de manière officielle? Apparemment, cela n'est pas pour demain. La culture institutionnalisée se suffit vraisemblablement du folklore. Tout ce qui ne rentre pas dans le moule des redoutables initiateurs de la pensée unique et qui ne répond pas à leur interprétation de la genèse de l'humanité représente un danger. Yennayer, qui repose sur des fondements puissants qui lient l'homme à son environnement, est pourtant une des caractéristiques de l'amazighité qui, à son tour, est une des composantes de l'identité algérienne, une sorte de pièce de puzzle qui si elle venait à lui manquer, mettrait par terre tout ce bel édifice, si fragile et si précieux, toujours en état de gestation. Il est donc nécessaire que les manifestations qui lui sont liées, à l'instar de Yennayer, prennent un caractère officiel. Pourquoi l'en priver? D'autant plus que le Nouvel An berbère peut se targuer de s'être imposé comme une manifestation fédératrice de l'identité nationale. Elle a la particularité d ́être fêtée autant par les populations berbérophones qu ́arabophones au même titre que certaines fêtes officielles religieuses ou civiles (Mouloud, Aïd, Achoura, jour de l'An, fête du travail...) à la seule différence que celles-ci sont décrétées journées fériées. Peu importe! La symbolique de Yennayer est d'une telle puissance que ni le temps ni les événements les plus violents n'ont altérée. Jour de l ́An amazigh, il coïncide avec le 12 janvier du calendrier grégorien qui correspond en 2013, à l ́an 2963 du calendrier berbère. Il aura pour particularité d'être commémoré, pour la seconde année consécutive, dans le sillage des révolutions arabes, qui continuent à secouer le Maghreb en particulier et l'Afrique du Nord en général, à l'exception de l'Algérie et du Maroc, bien que le Royaume chérifien ait vu l'arrivée des islamistes au pouvoir. Une région du continent africain où les populations berbérophones continuent de célébrer cet événement un peu comme pour attester et dire à la face du monde que le pompeux qualificatif de «printemps arabe» attribué à ces bouleversements politiques dramatiques leur a été conféré de manière impropre. Yennayer surgit pour apporter un correctif à cette sémantique erronée ainsi qu'à l'histoire tronquée de cette partie du monde qui lui a donné naissance, toujours en marche. Yennayer en apporte la preuve à travers des faits attestés de sa fondation: l ́an zéro du calendrier berbère remonte à des événements marquants qui datent de l ́époque de l'Egypte ancienne. SheShonq 1er, prince de la tribu berbère des Mechaouech, qui a conquis le pays des Pharaons, est monté sur le trône pour y régner pendant 21 ans, de -945 à -924. Il fût le fondateur de la XXIIe dynastie égyptienne. Il réunifia l ́Egypte en l ́an 950 avant J-C. puis envahit la Palestine pour s ́emparer à Jérusalem, de l ́or et des trésors du temple de Salomon. Les premiers textes bibliques attestent de cet événement qui demeure parmi les plus anciens. Le pays des pharaons n'a pas oublié... «La région égyptienne de Siwa commémore encore cette fête amazighe», a affirmé Ahmed Sabir, doyen de la Faculté des lettres et des sciences humaines d'Agadir (Maroc). En Algérie, du nord au sud, de l'est à l'ouest, d'Alger à Tamanrasset, d'Oran à Constantine, Annaba... dans chaque région, les populations algériennes avec toute leur diversité linguistique et ethnique restitueront à cet événement exceptionnel toutes ses valeurs universelles: liberté, tolérance... Une belle leçon de vivre-ensemble avec nos différences...