Dix nouveaux écrans de cinéma s'ouvrent chaque jour en Chine: le 7e art y surfe sur une vague porteuse, même si le géant asiatique subit la supériorité d'Hollywood et peine à exporter ses oeuvres. Naxin Ping, gérante d'une boutique d'art tibétain dans le sud de Pékin, est représentative de cette classe moyenne chinoise qui fréquente de plus en plus les salles obscures des centres commerciaux modernes. «L'année dernière j'ai vu The Amazing Spider-Man, RenZaiJiongTu (une comédie populaire locale), Mission impossible 4, Chinese Zodiac (un film hongkongais avec Jackie Chan) et The Grandmaster (un film d'arts martiaux de Wong Kar Wai)», énumère la jeune femme. Malgré le prix relativement élevé du ticket d'entrée- autour de 10 euros-, Ping a une préférence pour un multiplex Wanda, spécialisé dans la 3D, situé dans un quartier d'affaires de la capitale. Le groupe chinois Wanda est récemment devenu le premier propriétaire mondial de cinémas en acquérant AMC (American Multi-Cinema). Avec 17 milliards de yuans (2 milliards d'euros) de recettes de billetterie en 2012 (plus 30%), la Chine occupe désormais la deuxième place mondiale derrière les Etats-Unis. Tout en protégeant de façon draconienne son industrie cinématographique: Pékin limitait à 20 le nombre de films étrangers distribués sur son territoire sous le régime recherché du partage des recettes. Sous pression de l'OMC et de Washington, 14 supplémentaires ont été admis l'année dernière. «La plupart des films qui marchent en Chine sont des superproductions d'Hollywood, car les films chinois supportent mal la comparaison. Ils sont moins avancés en terme de qualité de tournage et de technologies», explique Pen Kang, chercheur à l'Académie du cinéma (université baptiste) de Hong Kong. Les Chinois ont, par exemple, plébiscité Avatar, Kungfu Panda 2 ou la version 3D du Titanic. De fait, l'élargissement du quota a eu une conséquence logique en 2012: pour la première fois en dix ans, les films importés ont représenté la majeure partie (51,5%) du box office. Pékin avait pourtant repoussé à 2013 la sortie de Skyfall et Le Hobbit, deux longs métrages que le public chinois attend toujours sur grand écran, même s'ils pullulent en DVD piratés. L'administration d'Etat chargée du cinéma, «très perturbée de constater que les films étrangers ont dépassé les 50% (des recettes) l'année dernière, a mis en place un système pour récompenser les exploitants de salles qui privilégieront les films chinois», souligne Robert Cain, un producteur travaillant depuis 25 ans en Chine. Il s'attend en 2013 à un nouveau bond, de 20%, du box office chinois. Difficile d'évaluer la part que prendront les oeuvres étrangères, car, rappelle-t-il, «la permissivité de la Chine a tendance à osciller» au nom du combat contre l' «occidentalisation» de la culture. En 2012, le Sud-Coréen Psy a électrisé la planète avec son Gangnam Style, les Rolling Stones ont créé un buzz international en remontant sur scène, Rihanna et Coldplay ont rempli les stades, The Artist a raflé les Oscars d'Hollywood et le monde a dit adieu à Ravi Shankar, père de la World music. De son côté, la Chine peine à enfanter des oeuvres ou des artistes de notoriété comparable. Et en pratiquant une censure implacable dans la sphère culturelle, elle ne facilite pas la tâche. Les films en chinois n'ont pas enregistré de succès notable aux Etats-Unis depuis que Tigre et Dragon, coproduction du Taïwanais Ang Lee, a obtenu, en 2001, l'Oscar du meilleur film étranger. «L'influence internationale de la culture chinoise ne correspond pas au statut international de la Chine», a déploré l'année dernière le président Hu Jintao, en ordonnant au régime communiste de doper le «soft power» du pays. C'est moins une question de quantité que de qualité. Car, après Hollywood (USA), Bollywood (Inde), Chollywood existe désormais: la Chine est en troisième place mondiale en nombre de films tournés, même si peu sur le total sont exportés. «Les réalisateurs chinois perfectionnant leur technique, je m'attends à voir davantage de grosses réussites sur le marché domestique», souligne toutefois l'expert, Rance Pow.