Une femme courage qui a milité pour la cause algérienne C'est à cette femme que le héros de la bataille d'Alger, Yacef Saâdi, doit la vie sauve. Le Palais de la culture Moufdi-Zakaria a abrité mardi dernier une cérémonie de réception d'un lot documentaire inestimable, composé d'ouvrages, articles, périodiques et photographies appartenant à la bibliothèque personnelle de l'ethnologue et anthropologue française Germaine Tillion, offert au Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques (Cnrpah), présenté par le docteur Slimane Hachi. Ce sont en effet, quelque 350 ouvrages, 32 articles et 33 périodiques ainsi que 150 photographies prises par Germaine Tillion dans l'Aurès durant les années 1930, qui vont enrichir le fonds documentaire du Cnrpah. Ce don est à l'initiative de la nièce de l'ethnologue (décédée en 2008 à l'âge de 100 ans), Mme Emilie Sabeau-Jouannet, à l'occasion de la célébration du 50e anniversaire de l'Indépendance de l'Algérie. Pour rappel, c'est à cette femme que le héros de la bataille d'Alger, Yacef Saâdi a consacré l'an dernier un film documentaire rendant hommage à la bravoure, à l'humanisme, de celle surtout à qui il doit la vie sauve. En effet, Germaine Tillion l'avait sauvé à l'époque de la guillotine, lui et près de 265 autres condamnés et ce, en plaidant leur cause auprès de différents responsables et hommes politiques très importants en France dont le général de Gaulle. «Je voulais lui rendre le bien qu'elle m'a fait» avait il déclaré aussi le 21 avril dernier, date choisie par Yacef Saâdi pour commémorer sa mémoire, elle qui est décédée le même jour en 2008. Et d'ajouter: «Elle voulait contribuer à ramener la paix dans le pays», tout en venant en aide à nos moujahidine, à l'image de Zohra Drif, Ali la Pointe etc... L'ethnologue Germaine Tillion, dont les ouvrages sont devenus pour les étudiants de sciences humaines, notamment les sociologues, une référence, car connaissant bien la société algérienne.. «Cette (discipline, c ́est d ́abord un dialogue avec une autre culture. Puis une remise en question de soi et de l ́autre. Puis, si possible, une confrontation qui dépasse soi et l ́autre...», disait-elle. Née en 1907 à Allègre (Haute-Loire, France), Germaine Tillion avait pris fait et cause pour la justice lors de la guerre de Libération nationale en dénonçant notamment la torture. Ses travaux dans la région des Aurès ont permis une meilleure connaissance de la société algérienne des années 1930. Son engagement s'exprimera, lors des premières années du déclenchement de la Révolution de Novembre 1954, par son travail sur les déportations des populations algériennes et sur l'utilisation du napalm dans les montagnes d'Algérie. Germaine Tillion a également enquêté sur «les réalités algériennes» à partir du Code de l'indigénat institué en 1881 qui marginalisait les Algériens sur leur propre sol, n'hésitant pas à dénoncer la «clochardisation» induite par le fait colonial. Elle est à l'origine de la création, en 1955, des centres sociaux, des structures socio-éducatives destinées à l'éducation des enfants algériens. Fondatrice et présidente de l'Association France-Algérie, Germaine Tillion signe l'appel lancé, en 2000, pour la reconnaissance par l'Etat français de la pratique de la torture pendant la guerre de Libération nationale. Son nom sonne fort aujourd'hui en Algérie, a fortiori au moment où l'Algérie célèbre son Cinquantième anniversaire de l'indépendance. Avant d'évoquer le parcours scientifique de Germaine Tillion et ses efforts déployés durant la guerre de Libération nationale pour dénoncer les injustices infligées au peuple algérien par l'armée coloniale, la ministre a salué ce «noble» geste de la part de la nièce de l'ethnologue pour enrichir le Cnrpah. «C'est un geste profond d'amitié avec le peuple algérien et un signe fort de soutien à la recherche scientifique en Algérie», a indiqué Mme Toumi. Pour sa part, Mme Sabeau-Jouannet est revenue longuement sur la vie de l'ethnologue, rappelant que «l'Algérie était au coeur de la vie de Germaine Tillion», cette femme qui, a-t-elle dit, «a participé à tous les combats du XXe siècle». Une femme courage à connaître et dont on peut être fier.