«Un problème politique est un problème économique sans solution.» Georges Elgozy Pendant quelques jours encore, la tête d'un bon nombre de citoyens sera ailleurs: des questions inattendues assaillent l'esprit de ceux qui sont tous les jours confrontés à la menace extérieure. Qui en veut à notre pays? Qui téléguide et soutient les groupes terroristes? Que diable sommes-nous allés faire dans cette galère? Et pourtant, la galère dure toujours et les préoccupations essentielles demeurent et ce n'est pas le tunnel qui sera creusé pour désengorger le noeud gordien d'El-Biar qui y changera quelque chose. La gestion économique d'un pays ne se mesure pas seulement à la taille de ses infrastructures, à leurs performances dans le secteur industriel et celui de l'agriculture ou au rendement de chaque agent engagé dans le processus de production, à l'évolution du niveau de consommation des ménages, à la baisse de la mortalité infantile, à la hausse du niveau d'instruction, au nombre et à la qualité des villas construites, à la magnificence et à la multitude des lieux de culte, à la progression du taux de plein emploi, à l'augmentation des exportations et à la baisse des importations, ou tout simplement au solde positif de la balance des paiements. Il est un critère qui, bien que présent dans tous les paramètres évoqués ci-dessus, ne transparaît guère aux yeux du citoyen moyen, mais qui prévaut dans chaque estimation ou auscultation de la santé économique du pays en question: le taux de rentabilité de l'argent placé à titre d'investissement à court, moyen ou long terme. C'est-à-dire l'intérêt du capital. Jadis, dans les économies planifiées et dirigistes, les responsables du Plan n'avaient cure des résultats des opérations économiques engagées. Dans ces pays, en général à parti unique ou à l'opposition asservie ou laminée, l'économie souvent dominée par le secteur primaire, la principale source de richesse est l'exportation des matières premières. Dans cette économie, il suffisait d'inscrire les sommes budgétaires allouées pour l'exercice budgétaire en cours, de veiller à ce que l'essentiel des crédits de paiement prévus soient dépensés et attendre la fin du plan pour tirer les conclusions attendues. Ce sont souvent des bilans aussi triomphants que faux. Tout le monde est content car le plein emploi est assuré et il n'y a pas de risque à ce qu'il y ait des vagues de contestation ou de mouvements sociaux contrariants. Cela n'est pas sans déplaire au maître du système, au grand timonier qui dirige le grand cirque économique où le fonctionnariat est pléthorique. Tout le monde le sait. Tout le monde applaudit car tout le monde mange plus ou moins à sa faim. En outre, tout va bien pour l'immense masse des rentiers Au lendemain du changement de cap, la réalité amère s'impose et de douloureuses révisions sont nécessaires. Les sommes faramineuses engagées dans le déficit des entreprises publiques vont se trouver bloquées dans les institutions financières qui ne sont pas encore formées à la compétition économique. Le marasme économique, qui s'installe durant la période de transition de l'économie dirigée à l'économie libérale, sera dur pour les salariés qui connaîtront le chômage, des mois sans salaires ou des salaires gelés durant des années, alors que l'inflation galope. Au-dessus de tout cela, et après la disparition du monopole de l'Etat, des petits malins, grâce aux complicités qu'ils ont dans ses rouages, vont mettre à profit les carences du contrôle des instruments de l'Etat pour rafler la mise et amasser des fortunes gigantesques: aucun secteur n'est épargné par la fraude et la corruption. Les affaires qui s'amoncellent sur le bureau des procureurs de la République témoignent que l'argent qui était jadis englouti par le déficit des entreprises publiques, a trouvé preneur chez des gens qui tenaient le haut du pavé et qu'on présentait comme des sorciers de l'économie.