Un voyage pour attiser les adeptes de cataclysme. Génois d'Orient et négociant en curiosités, Baldassare Embriaco, est à la poursuite d'un livre qui est censé apporter le Salut à un monde désemparé. Sans doute est-il aussi à la recherche de ce qui pourrait encore donner un sens à sa propre existence. Le Périple de Baldassare, le dernier roman d'Amin Maalouf, nous plonge dans le monde du 17ème siècle. En Orient, puis à travers l'Europe, où circulent des rumeurs annonciatrices de la fin du monde. Baldassare âgé de 40 ans, qui se veut être un commerçant prospère et un homme raisonnable, sera partagé entre son incrédulité et sa foi pour ces prophéties. Il finira par se lancer à corps perdu à la poursuite du livre de Mazandarani «Le centième nom», qui attise la convoitise des adeptes de l'Apocalypse. Ecrit par un musulman, le livre permettrait aux élus qui entreraient en sa possession, de connaître le centième nom de Dieu, la clef de la délivrance, et d'échapper à toute contrainte terrestre. Depuis plusieurs générations, la famille exilée de Baldassare est installée à Gibelet (en Orient). Il n'aura jamais vu sa ville d'origine avant ce voyage. Sa quête le conduit dans la ville de ses ancêtres. Gênes le reconnaît et l'accepte en son sein comme un fils perdu. Amin Maalouf nous rappelle la force des liens qui se créent malgré nous avec notre terre d'origine. Il compare cette relation avec l'amour passionné que peut avoir un homme pour une femme. «Ce que la présence de cette femme a apaisé en moi, ce n'est pas la soif charnelle d'un voyageur, c'est ma détresse originelle. Je suis né étranger, j'ai vécu étranger et je mourrai plus étranger encore. Je suis trop orgueilleux pour parler d'hostilité, d'humiliations, de rancoeur, de souffrances, mais je sais reconnaître les regards et les gestes. Il y a des bras de qui sont des lieux d'exil, et d'autres qui sont la terre natale». Nous aurions pu croire que ce parcours semé d'embûches prendrait fin dès que le narrateur entrerait en possession du fameux livre tant convoité, mais le secret ne sera pas livré. Le manuscrit restera voilé de mystère. Le lecteur prendra conscience que le message primordial qu'aura voulu nous transmettre l'auteur, réside dans la reconnaissance de la puissance divine. Dieu guidera les pas de Baldassare jusqu'à ce qu'il prenne conscience que sa destinée est déjà tracée. «Sur les traces de ce livre, j'ai parcouru le monde par mer et par terre, mais au sortir de l'année 1666, si je faisais le bilan de mes pérégrinations, je n'ai fait qu'aller de Gibelet à Gênes par un détour». Ce périple nous rappelle l'Alchimiste de Paulo Coelo, un roman traitant également du destin. Ce «concept métaphysique» semble être le moteur des deux romans qui tentent de convaincre les lecteurs de son existence dans nos choix quotidiens. Les deux auteurs, tout en nous relatant le périple des deux héros d'une façon charmante, veulent nous ouvrir les yeux sur un fait inéluctable qu'est le destin. Néanmoins, les personnes trouvent souvent des difficultés à admettre l'existence d'une telle force qui dirige leurs choix dans ce monde. Toutefois, Amin Maalouf tente d'une façon remarquable d'atténuer nos angoisses et de nous guider pas à pas vers l'acceptation de cette réalité.