Le sujet, appelé à occuper le devant de la scène médiatique, sera aussi au centre de la future campagne électorale qui s'annonce rude et pleine de rebondissements pour tous. Plus discret que tout autre sujet, celui des caisses noires apparaît discrètement dans toutes les lois de finances sous des appellations passe-partout, mais qui jamais n'échappent à la perspicacité des yeux experts et exercés. C'est ainsi, outre les recettes fiscales liées aux ventes pétrolières, des milliards de dinars sont dépensés secrètement et sans le moindre contrôle. Mais, comme s'il s'agissait d'un accord tacite, personne n'en a jamais parlé, même du temps où tout le monde ou presque, disposait de sa propre caisse noire, y compris les petites APC et les entreprises, toutes tailles confondues. Mais les députés, cette fois-ci, ont décidé de briser la loi de l'omerta qui entoure ce sujet. Un document a été élaboré en ce sens par la commission des finances. Les députés, notamment ceux de l'opposition, voulaient monter à la charge durant cette session qui a pris fin la semaine passée. Mais il semble que les pouvoirs publics, connaissant la délicatesse du sujet, aient réussi à retarder l'échéance, histoire de préparer leurs réponses, et même, pourquoi pas, de faire un peu le ménage dans ses caisses. Un des députés initiateurs de la saisine nous indique qu'«il faut que les choses changent et que les ministres ne se sentent pas amoindris simplement parce qu'ils n'ont pas de gros fonds spéciaux qu'ils peuvent gérer comme bon leur semble sans que personne ne vienne fourrer son nez dans leurs affaires». (Lire l'article de Kamel Aït-Bessaï). Nos sources ajoutent que la démarche n'est pas totalement dénuée de quelque arrière-pensée politique du moment que le débat devrait intervenir dès le mois de septembre, à tout juste trois ou quatre mois de l'ouverture de la campagne présidentielle. On se souvient, par exemple, que l'ancien candidat Mouloud Hamrouche avait bâti sa campagne de 99 sur l'opération mains propres tant ce sujet attire les foules et tant il est vrai aussi que la question des fonds secrets attise la curiosité des citoyens, tous statuts sociaux confondus. Il est vrai, ce disant, comme ne manquent pas de le souligner nos sources elles-mêmes, que «la pratique des caisses noires existe partout, y compris dans les pays les plus démocratiques et les plus transparents du monde». Des ministères comme l'Intérieur, les Affaires étrangères, la Défense ne pourraient simplement pas fonctionner sans ce genre de fonds permettant d'être efficace et de gagner pas mal de temps dans des situations où une seconde, une seule, peut s'avérer fatale pour telle ou telle affaire. Il n'empêche qu'un contrôle rigoureux est censé suivre ce genre de caisses afin d'éviter les dérapages, comme cela se produit souvent, déclenchant des scandales aux conséquences incommensurables et impliquant de hauts cadres de l'Etat dans de nombreux pays à travers le monde. Sans doute l'Algérie n'en est-elle pas exempte même si on n'évoque guère ces question, y compris dans les salons feutrés et bien introduits du Tout-Alger. Les débats à l'APN risquent d'être une sorte de coup de pied dans la fourmilière avec leur cortège de révélations et de scandales en série. Le feuilleton, cette fois-ci, interviendrait en automne et non plus en été. Une pratique quasi courante consiste à verser à ce genre de caisses tout le restant des budgets non dépensés avant d'être orientés vers des achats presque toujours douteux, consistant en voyages somptueux, véhicules de luxe, dîners dans les meilleurs restaurants, cadeaux coûteux donnés aux connaissances et partenaires professionnels ou politiques...etc. Dans le jargon juridique, de pareilles actions sont assimilées à des abus de biens sociaux et sont passibles de lourdes peines d'emprisonnement, en plus des amendes et des scandales qui leur sont liés. «Même les partis politiques ont reçu de l'argent de la part de ce genre de caisses que rien ni personne n'ont jamais contrôlé», confirment des sources bien informées proches du ministère des Finances. Idem pour les cadeaux d'entreprises et pour lesquels des fonds spéciaux sont annuellement débloqués. Quasi systématiquement, des surcoûts sont volontairement pratiqués en plus des «commissions» accordées sous la table. Durant les années 90, s'indignent les mêmes sources, «un chèque destiné aux enfants handicapés avait été détourné par une ministre au profit d'un journal privé». Quand bien même il y aurait prescription, «il est nécessaire d'agir afin que ces caisses, pour nécessaires qu'elles soient, commencent enfin à être gérées avec plus de transparence et de rigueur».