«Ils ne savent aimer que les morts.» En ce 12 janvier 1992, l'espoir a retrouvé sa place dans le coeur des Algériens. Mohamed Boudiaf, ce grand militant de la liberté est de retour pour assumer la grande responsabilité. Le pouvoir a été vacant avec la démission de Chadli Bendjedid. Il fallait éviter le chaos qui s'annonçait avec les proportions prises par les islamistes sur le terrain. L'Algérie a failli basculer dans l'incertitude. Un homme, éloigné depuis l'indépendance de la scène politique nationale, exilé de surcroît, refait surface pour prendre les destinées de cette Algérie, traversée par une crise institutionnelle. La vacance du pouvoir et les contradictions internes qui minent notre société étaient les prémices d'une longue «nuit noire» qui se dessinait à l'horizon. En ce 12 janvier, le peuple a accueilli à bras ouverts celui qui fut l'un des artisans du 1er Novembre 1954. On se rappellera toujours cette phrase célèbre du printemps 1954, où Mohamed Boudiaf toisa les membres centralistes du Mtld en leur déclarant que «la révolution se fera même avec les singes de la Chiffa». En effet, quelques mois après, le premier coup de feu a pu infléchir l'une des plus grandes puissances militaires de l'époque. Déterminé à mener à bien sa mission, répondant aux appels incessants de ses compatriotes, décidé à trouver une solution à la crise institutionnelle qui gangrénait le pouvoir algérien...Mohamed Boudiaf s'est attelé, dès son installation au pouvoir, à rassembler le peuple autour d'un programme politico-économique et social, sous-tendu par un projet de création d'un parti politique le RPN. Un projet qui répondrait aux aspirations des masses, qui engloberait toutes les questions de l'heure et qui arriverait surtout à asseoir les bases solides d'un système politique présidentiel. Très vite, cette figure historique a su, par un message limpide et sincère, reconquérir les coeurs de ces Algériens «orphelins». Usant de mots incisifs, de verbes justes et prônant un idéal longtemps enfoui, Mohamed Boudiaf trouva en ce peuple le ferment qui avait, déjà, prévalu en ce 1er Novembre 1954. Tout le peuple se remémore cette longue silhouette d'un «père» longtemps absent et qui refait sa réapparition au moment opportun. Nul doute que Mohamed Boudiaf, après six mois passés à la tête du pouvoir a eu toute latitude de peser le sentiment de peur qui envahit le coeur de ces Algériens. Il était là pour briser le carcan et cette vision de l'Algérie moribonde et sans guide. Peut-on laisser une nation sans chef de file? Le retour de ce fils avait enfanté un sursaut d'honneur pour «sauver la maison Algérie». Finalement, l'éloignement durant trois décennies et ce, malgré les informations qui lui parvenaient, ont eu raison de cet homme. En ce mois de juin 1992, après 6 mois d'exercice, des balles lâches ont brisé tout espoir. Encore une fois, le peuple s‘est retrouvé confronté à des «lendemains sans lumière». Mohamed Boudiaf assassiné, l'Algérie retrouve son rythme politique anarchique, engendrant des milliers de morts et de disparus. Mohamed Boudiaf restera cette image «pieuse» d'un fils de l'Algérie profonde et jalouse de son Histoire.