Dix-sept ans déjà… le 29 juin 1992 – hasard du calendrier, c'était un lundi, comme hier – dans la ville de Annaba, Mohamed Boudiaf a été froidement assassiné par un tireur embusqué derrière les rideaux de la maison de la culture. Dix-sept ans après, les circonstances de son assassinat demeurent encore floues. Le peuple algérien est toujours dans l'attente de la vérité sur cet ignoble assassinat. Le procès avait conclu à un acte isolé de son assassin présumé, Lembarek Boumaârfi, un sous-lieutenant du GIS. Tayeb El Watani avait pris, en janvier 1992, les destinées d'un pays qui allait sombrer dans le chaos après une montée fulgurante de l'intégrisme religieux et souffrant d'une légitimité au sommet de l'Etat. Se trouvant au Maroc où il gérait sa briqueterie, il avait été rappelé, après la démission de président Chadli Bendjedid, pour devenir le président du Haut Comité d'Etat (HCE) alors que l'Algérie se débattait dans une impasse politique. Dès son arrivée, il a su tendre la main à tous ceux qui voulaient la prendre. Il apparaissait comme un homme capable de sortir le pays de la grave crise qui le secouait. Souhaitant une Algérie démocratique, tournée vers la modernité, Mohamed Boudiaf disait vouloir mettre fin à la corruption qui gangrenait l'Etat. A la tête du HCE durant six mois, il s'était engagé à rétablir l'équilibre brisé de son pays et à redonner l'espoir à une jeunesse perdue et sans repères. « Captivant, l'esprit vif, Boudiaf avait tendu sa main à tous les Algériens, avec au bout l'espoir, la liberté et la perspective d'un véritable renouveau. » Il n'avait pas mis beaucoup de temps pour paraître comme le justicier et l'homme providentiel dans un pays où la hogra était dans toutes les discussions. Né le 23 juin 1919 à Ouled Madi, dans la wilaya de M'sila, Mohamed Boudiaf avait très tôt rejoint le PPA. Il sera membre de l'Organisation secrète (OS), du Comité révolutionnaire pour l'unité et l'action, du Groupe des 22 et membre fondateur du FLN. Le 22 octobre 1956, il fut capturé par l'armée française suite au détournement de l'avion qui le menait du Maroc vers la Tunisie. En 1979, après la mort du président Boumediène, il dissout le Parti pour la révolution socialiste (PRS) et rentrera bien plus tard au pays en sauveur. Personne n'aurait imaginé que Tayeb El Watani finirait assassiné lâchement, le 29 juin 1992, lors d'une conférence des cadres qu'il tenait à Annaba. « L'être humain a une vie courte. Nous mourrons tous demain. Pourquoi courir derrière les responsabilités ? Observons les nations développées comment elles nous ont dépassés grâce à la connaissance. » C'étaient les derrières paroles qu'a eu à prononcer ce grand patriote avant qu'une rafale ne lui ôte la vie. L'espoir, la générosité étaient alors assassinés.