Ils ne sont dévoilés au grand public que quand ils échouent. Ainsi en est-il des fameuses «mesures secrètes» du président US. Le gouvernement des taliban vient de rendre public un communiqué dans lequel il avertit que «tout étranger qui rentrerait en Afghanistan sans autorisation sera considéré comme espion, jugé et condamné comme tel». Cette décision, prise, hier à Kandahar, résulte de la découverte par les taliban d'un plan américain tendant à les diviser, à les opposer les uns aux autres, en utilisant des Afghans crédibles tels le héros national Abdul Haq, arrêté et exécuté mercredi dernier. Des sources autorisées accusent l'ancien patron des services secrets pakistanais, le général Gul, d'avoir donné Abdul Haq. L'intensification des bombardements américains sur Kaboul «est une mesure de rétorsion décidée à la suite de l'exécution sommaire de Abdul Haq,» selon un haut fonctionnaire du Pentagone. Une deuxième opération a été révélée dans la région de Kandahar, menée par l'ancien ministre des Affaires étrangères sous Burhanuddin Rabbani, Hamid Karzai, avec l'appui des services américains et pakistanais, dévoilent des agents des services de renseignements. «Nous détenons plusieurs espions entrés clandestinement avec des couvertures de journalistes», affirme un communiqué du ministère taliban des Affaires étrangères, qui ajoute qu' «ils seront jugés par une cour islamique pour espionnage ainsi que pour d'autres charges». Il s'agit d'un Français, d'un Japonais, de deux Pakistanais et d'un Américain dont l'identité n'a pas été révélée. Depuis vendredi, les services secrets américains ont réduit leur collaboration avec leurs homologues pakistanais, dont «les rouages sont infiltrés par des dizaines d'Afghans pachtounes et de Pakistanais pro-taliban», confie un cadre de la CIA à un journaliste du New Yorker. Une troisième opération «secrète» serait en cours: des agents recrutés dans l'Alliance se déguiseraient en femmes, parfaitement voilées, et entreraient par le Pakistan. Leur mission consisterait à «opérer des repérages plus précis des positions talibanes, d'assurer le feed-back des frappes et de diffuser des informations tant auprès de la population que des taliban». Selon certaines sources proches du gouvernement pakistanais, «des médecins afghans, soignant des malades transférés dans les hôpitaux, soupçonnent les Américains d'utiliser des armes bactériologiques». Par ailleurs, de l'aveu du Pentagone, il y a eu un usage massif de bombes à fragmentation, qui sont à l'origine des morts et blessés parmi les civils, par effet retard. Ainsi, pour cette guerre, les futurologues américains semblent s'être plantés: en corrigeant l'erreur de jugement sur l'Algérie, les Américains appliquent la nouvelle recette à l'Afghanistan. Transformé en nid d'espions, l'Afghanistan, ce territoire enclavé, enserré entre un Iran adepte de la parousie apocalyptique et un Pakistan créé en 1947 sur une base confessionnelle, dominé par des Pachtounes à cheval sur l'Afghanistan et le Pakistan, n'a aucun point commun avec le Maghreb. Tenter de diviser les taliban en modérés et extrémistes est une illusion dangereuse, tous les théocrates visent le même objectif: installer le trône de Dieu sur terre. La seule différence réside dans les délais que les uns et les autres s'octroient.