Ballon sonde de la part du chef de l'opposition armée ou offre sérieuse? Au moment où la proposition d'al Khatib a reçu l'aval de Washington, mais aussi des deux alliés de la Syrie, la Russie et l'Iran, le régime de Damas n'a toujours pas réagi officiellement. Un quotidien proche du pouvoir syrien a mis en doute hier l'offre de dialogue du chef de l'opposition armée Ahmed Moaz al-Khatib, l'appelant indirectement à désavouer la rébellion armée avant toute négociation. Au moment où la proposition de Ahmed Moaz al-Khatib a reçu l'aval de Washington, mais aussi des deux alliés de la Syrie, la Russie et l'Iran, le régime de Damas n'a toujours pas réagi officiellement à cette ouverture qui a suscité des réserves au sein même de l'opposition. Mais le quotidien proche du pouvoir al-Watan a estimé que, malgré son «importance politique», l'offre arrivait avec «deux ans de retard» et ne suffisait pas pour que M.Khatib soit considéré comme «un négociateur acceptable». «Les déclarations de M. Khatib restent insuffisantes et ne font pas de lui un négociateur acceptable au niveau populaire. Elles sont une manoeuvre politique visant à corriger son erreur d'avoir soutenu le Front (jihadiste) d'al-Nosra et fourni des prétextes aux crimes commis à l'encontre de la Syrie», ajoute al-Watan dans son éditorial. Le journal a laissé entendre que le chef de l'opposition devrait désavouer la rébellion d'abandonner avant que Damas ne consente au dialogue. M.Khatib devrait «parler à tous les Syriens pour les convaincre que les loyalistes (au régime) et les opposants se tiendront dans un seul rang pour combattre le terrorisme (la rébellion, ndlr)». La diplomatie américaine a apporté son soutien à l'appel au dialogue, excluant toutefois l'immunité pour le président Bachar al-Assad. «Si le régime (de Damas) a le moindre intérêt à (faire) la paix, il doit s'asseoir et parler maintenant avec la coalition de l'opposition syrienne, et nous soutiendrons fortement l'appel de Khatib», a déclaré la porte-parole du département d'Etat Victoria Nuland. Les principaux pays soutenant la rébellion, l'Arabie saoudite et le Qatar, ont gardé le silence mais des médias proches de Riyadh ont rapporté des voix dissonantes au sein de la Coalition présidée par M.Khatib. «Les propos de M.Khatib sont incohérents», a affirmé un membre de la Coalition sous couvert de l'anonymat cité hier par le quotidien saoudiens de Londres Asharq al-Awsat. La Turquie, autre pays soutenant la rébellion, avait affirmé qu'un dialogue entre régime et opposition «ne permettrait pas de trouver une solution au conflit» qui a fait plus de 60.000 morts en près de deux ans. Mais d'autres opposants et militants ont appuyé l'idée de dialogue en raison des souffrances de la population. «Tenter de mettre fin au bain de sang avec une proposition aussi humaine pourrait avoir plus de résultats que (...) participer à des conférences», a affirmé l'opposant kurde indépendant Massoud Akko sur sa page Facebook. «La proposition est intelligente car elle met le régime devant une position difficile à l'égard de ses partisans», affirme un militant de Douma près de Damas. Mais, a-t-il souligné, «en politique, les bonnes intentions ne suffisent pas». De son côté, le Liwa al-Tawhid, groupe rebelle important du nord de la Syrie, s'est refusé à tout commentaire. «Nous attendons que les choses soient plus claires sur ce sujet», a affirmé un porte-parole via Skype. M.Khatib a d'ores et déjà répondu à ses critiques au sein de son propre camp, refusant «que ceux qui parlent de négociations soient accusés de trahison». Il avait proposé de dialoguer avec le vice-président Farouk al-Chareh, évoqué tour à tour par la Ligue arabe, les Nations unies et la Turquie pour remplacer Bachar al-Assad en cas de transition négociée. M.Chareh avait affiché ouvertement en décembre ses divergences avec le président syrien en se prononçant pour une solution négociée au conflit. Les tractations diplomatiques interviennent alors que la population syrienne est épuisée par près de deux ans de tueries, de destructions et d'une terrible dégradation de la situation humanitaire. Lundi, les violences ont encore fait 123 morts 48 civils, 36 rebelles et 39 soldats, selon une ONG syrienne.