La douche écossaise infligée à «tayabet el hammam» reprend de plus belle. La raison en est que ces dernières ne caressent pas le pouvoir dans le sens du poil. A son tour, le directeur du journal L'Expression, M.Ahmed Fattani, est convoqué par la police judiciaire, section atteinte aux personnes, ainsi que son chroniqueur qui signe sous le pseudonyme de Mirou. Ce furent d'abord six journalistes de la presse indépendante qui ont été «conviés» dans les locaux du commissariat central: le directeur du journal Le Matin, M.Mohamed Benchicou, celui du Soir d'Algérie, M.Fouad Boughanem, le directeur de rédaction de Liberté, M.Farid Alilat ainsi que son caricaturiste Ali Dilem, et deux autres journalistes : Hakim Laâlam et Kamel Amrani. Ces atteintes récurrentes à la liberté d'expression sont loin d'entamer le moral et le devoir d'informer qui animent ces hommes qui font le quatrième pouvoir en Algérie. Puisqu'ils ont tous réussi à asseoir un accord historique, celui de constituer un front contre les dérives en refusant en bloc de répondre aux convocations qui leur sont adressées par police interposée. Ainsi, et dans un communiqué adressé, hier, à tous ses confrères, Ahmed Fattani, au nom de sa rédaction, a clairement rappelé sa fidélité à ce principe, en droite ligne de la légalité: «Comme convenu par les éditeurs de presse, nous ne répondons pas à cette convocation, puisque nous estimons que les délits de presse relèvent du ressort exclusif de la justice. Ahmed Fattani, ainsi que de nombreux autres confrères, a déjà fait l'objet d'une convocation similaire l'été dernier. Nous considérons, après avoir surmonté avec succès une suspension illégale d'un mois, que des mandats d'amener, aussi nombreux soient-ils, ne sauraient nous faire taire ni nous détourner de notre noble mission», lit-on dans son communiqué. C'est avec une force incroyable de l'impudeur que ces frasques de coups d'Etat contre la presse indépendante se poursuivent, après un été meurtrier qui a failli mettre à mort pas moins de six titres, ayant eu le courage d'étaler en plein jour moult scandales qui ont mis à mal un sérail en mal de publicité. Il est donc clair que ces coups de boutoir à répétition ne veulent pas moins que d'amadouer une presse rebelle capable de révéler bien d'autres «fourberies» à la veille d'une présidentielle imminente. De fait, par la «grâce» de la peur qui engendre l'agressivité, le pouvoir, ou plutôt le cercle qui le compose, n'hésite aucunement à s'attaquer à des journalistes, quitte à transgresser même les principes constitutionnels les plus sacrés, en instrumentalisant la justice et en abusant du pouvoir judiciaire, à l'heure où le mouvement pétitionnaire demandant le départ de Bouteflika fait florès. Au moment où le chapelet de critiques formulées à l'adresse de ce même pouvoir et qui font craindre le pire quant à la fraude massive risquant d'entacher le futur scrutin, s'allonge de plus belle. Alors que le dessein de neutraliser la presse indépendante se précise de plus en plus, les vigiles de la démocratie, objet de sommations à l'ordre sont loin d'abdiquer même s'ils sont toujours malmenés par une police aux ordres. Leur maître mot est de faire corps ; ils réservent leurs réponses à la justice conformément à la décision des éditeurs...