Hier, ils étaient des milliers à vouloir organiser une marche de Ouargla vers Hassi Messaoud Aujourd'hui, les chômeurs sont des universitaires capables de faire valoir leurs droits et qui ont une conscience politique. Le problème des chômeurs au sud du pays? C'est de la nitroglycérine, ce composé chimique explosif, toxique, utilisé dans la fabrication de la dynamite. Il l'est pour deux principales raisons. La première parce qu'il découle d'un sentiment d'abandon et de mépris des jeunes du Sud qui se sentent spoliés. La seconde est due au fait que la conception qu'on avait du chômeur, analphabète, ignorant et perdu n'est plus de rigueur. Aujourd'hui, les chômeurs sont des diplômés universitaires capables de faire valoir leurs droits, de se faire entendre et de mobiliser, aussi bien la communauté nationale, qu'internationale et surtout, ils ont une conscience politique. Ouargla, Hassi Messaoud, Laghouat, Batna... Jamais l'Algérie n'a connu autant de manifestations de jeunes qui revendiquent un travail dans les régions Sud. Hier, ils était des milliers, selon des témoignages sur place, à vouloir organiser une marche de Ouargla vers Hassi Messaoud, le site pétrolier le plus important du pays. Répondant à l'appel du Comité national pour la défense des droits des chômeurs (Cnddc), ces chômeurs de Ouargla qui voulaient manifester en cette date symbolique de la nationalisation des hydrocarbures, le 24 février, ont été bloqués par les services de sécurité au niveau du point de contrôle pour accès à la ville de Hassi Messaoud. Ils ont alors décidé de planter des tentes à ciel ouvert, selon Tahar Belbès, le représentant de la Cnddc. Avant d'entamer leur marche vers Hassi Messaoud, les chômeurs ont remis au wali une plate-forme de revendications dans laquelle ils exigent la «création de postes d'emploi». Le même jour des manifestations similaires seraient programmées à Illizi, Tamanrasset, Batna et El Bayadh. Avant-hier samedi, c'est le représentant du Comité national pour la défense des droits des chômeurs à Batna qui a été arrêté par la police pour avoir accroché une banderole appelant à une manifestation des chômeurs de la ville. A Laghouat, le même jour, les services de sécurité ont dû user de bombes lacrymogènes pour disperser des rassemblements de jeunes qui se déroulaient dans les localités de Kasr El Bazaïm et Kasr El Ferroudj. Quelques jours auparavant, plusieurs jeunes chômeurs ont été arrêtés par la police et 17 d'entre eux ont été présentés devant le procureur. Toujours dans la wilaya de Laghouat, les jeunes se sont rassemblés devant le siège de l'Agence nationale de l'emploi (Anem) pour brûler leurs diplômes, le 19 février dernier. Cette action, filmée, a été reproduite sur les réseaux sociaux en vue de sensibiliser les autorités du pays. Même à Alger, une manifestation des chômeurs a été programmée devant le ministère de l'Energie et des Mines. Le rassemblement a été empêché par les services de sécurité qui ont investi les lieux, tôt dans la matinée d'hier. Si la colère gronde à travers le pays, elle l'est d'avantage au Sud où les critères de reculement sont dénoncés. Une jeunesse désabusée qui fait face au chômage de masse et à l'absence de perspectives. Avec le temps, les tensions s'exacerbent surtout que ces manifestations interviennent à un moment où des scandales de corruption au sein même de l'entreprise Sonatrach sont étalés sur la place publique. «Si seulement les forces de l'ordre et la justice montraient un peu du même zèle pour arrêter les corrompus, les dilapidateurs de deniers publics», regrette un chômeur déçu. Evacuer avec mépris les espérances d'une jeunesse qui demande... du travail dans son pays, est déjà un crime. Que dire alors quand on lui inflige une peine de prison sous prétexte qu'elle porte atteinte à l'ordre public quand elle revendique un emploi.