«Tout part de quelque chose de vécu, d'une anecdote, d'un manque, on n'écrit pas par hasard», a avoué Akli Tadjer, vendredi, dernier à la salle Frantz-Fanon de Riad El Feth lors du second rendez-vous de cycle de Diwan de l'Aarc, ayant pour thématique cette année «Algérie, récit colonial». En partenariat aussi avec les éditions Apic, cette rencontre fut conviviale et intéressante, dévoilant toutes les facettes de l'invité, à savoir le romancier en passant par le scénariste qu'il est. D'abord l'écriture de roman. Enfant, ses parents ne savaient pas quoi faire de leur fils, c'est ainsi, qu'embarqué tôt dans l'écriture, les mots vont être bénéfiques pour lui et sa carrière puisque c'est vers l'âge de 25 ans qu'il écrira son premier roman, à coup de persévérance, et même d'insouciance. Akli Tadjer, dont les parents ne savaient ni lire ni écrire, prendra vite la revanche. Né à Paris, le jeune Akli viendra à l'indépendances sillonner l'Algérie. De retour en France à bord du ferry, il se souvient avoir vu «tout un bout de l'Algérie». Dans ce bateau qui le mène à Marseille, avant de rejoindre Paris, il griffonnera à la hâte une quarantaine de pages, mettant à profit «son goût de l'écriture et de la mythomanie». Il avait fait l'école de journalisme faut-il noter. Plus tard, il fera lire son manuscrit à un célèbre journaliste du journal Le Monde qui lui donnera sa bénédiction. Akli Tadjer enverra par la suite ses feuilles à un éditeur en mentionnant sur l'enveloppe de la part de... (le nom du journaliste). Comme quoi avec le culot ça paye! Après ce livre Les A.N.I du Tasslili, sorti en 1985, Akli Tadjer enchaînera par la suite plusieurs livres, huit plus exactement dont trois seront adaptés à l'écran. En effet, suite à Les A.N.I du Tassili, publié aux Editions du Seuil et adapté à la télévision, c'est de cette manière qu'il devient scénariste, métier qu'il exercera durant des années avant de sortir un nouveau roman, Courage et patience, chez Lattès en 2000. Vient en 2002, le temps du Le Porteur de cartable, lui aussi adapté à la télévision. L'année 2005, Alphonse voit le jour chez le même éditeur. Akli Tadjer reçoit le prix du Roman populiste 2006 pour son ouvrage Bel-Avenir. Il était une fois...peut-être pas, parait en 2008; roman qu'il adapte pour la télévision. Lyès Salem obtient le Prix de la meilleure interprétation masculine pour ce téléfilm. Projeté à la salle Frantz-Fanon, le téléfilm Le Porteur de cartable se passe à Paris en 1962, au moment où la France compte capituler et déclarer l'Algérie indépendante. Omar, dix ans, joue les porteurs de cartable pour le FLN. Le jeune garçon rêve d'une Algérie libre afin de pouvoir enfin y mettre les pieds. Sa maîtresse d'école, elle, rêve du cessez-de-guerre aussi pour revoir enfin son petit frère engagé dans l'armée, tandis que Raphaël, jeune pied-noir rapatrié, s'installe dans le même immeuble, en face de Omar, une forte amitié naîtra entre les deux garçons. Mais le père d'Omar s'oppose rapidement à cette relation. Dans le moule de la grande histoire, il y a celle de Akli Tadjer pétri d'humanisme, et dans laquelle vont se tisser des sentiments et se créer des échanges entre les deux familles. La mère d'Omar ira spontanément aider cette famille dont la mère malade est internée à l'hôpital psychiatrique. Les relations humaines sont souvent complexes et le bon n'est pas toujours celui que l'on croit. Quoi qu'il en soit, tissé sous forme d'un conte, le film bourré de tendresse dresse le portrait d'un chef de réseau du FLN escroc. Ce qui, on peut en convenir, peut dérouter plus d'un, si ce n'est l'important dans ce scénario ne réside pas tant dans cette incongruité, mais dans la manière de ramener à cohabiter deux mondes qui, petit à petit, apprennent à se connaître en toute connivence et vivre ensemble, dans la paix et l'harmonie, somme toute le souhait pieux de chacun. Si l'auteur reconnaît que Le Porteur de cartable est l'histoire de son enfance et dont le souci était «comment raconter l'histoire de l'Algérie, un pays dans lequel on n'a jamais vécu, d'où la forme du conte..», dans La Meilleure façon d'aimer, (Edition Apic) Akli Tadjer confie là aussi avoir eu le désir d'écrire ce roman et surtout à la mémoire de sa mère décédée d'un AVC. «Je sentais qu'elle allait partir. Et pour moi c'était une urgence de terminer ce livre avant sa mort». dira-t-il. Aussi, les romans d'Akli Tadjer sont souvent baignés dans une sorte d'intimité romanesque sans se départir d'une forme d'humour caractérisée qui fait le sel de la vie. «Ce qui m'a fait aimer les romans c'est ce que ça raconte des histoires et nous fait tourner les pages sans se rendre compte. Moi je n'ai pas envie de me regarder écrire, bien que c'est compliqué de faire simple», ceci était sa réponse à une dame sur le secret de la fluidité de son écriture «spontanée». Et de renchérir: «J'écris des romans populaires. Je suis un raconteur d'histoire. J'écris toujours à la première personne. Je ne fais pas partie de l'école du plan. Quand j'écris, j'ouvre une porte et je ne sais pas sur quoi elle va déboucher. Je ne suis pas omniscient. Je ne sais pas ce qui va se passer. C'est peut-être une écriture spontanée, mais travaillée.» A la question du public sur «où se situe Akli Tadjer par rapport à la mouvance littéraire dit d'immigration en France et comment vit-il son rapport avec l'Algérie», le romancier réfutera catégoriquement l'idée d'une littérature de l'immigration arguant «qu'il n'existe pas de littérature algérienne d'un côté et une autre finlandaise de l'autre côté par exemple. La littéraire est sans frontière». «Quand je lis un livre, ça dépasse tous les clivages. Quand c'est réussi, c'est universel donc. Sinon on tombe dans le ghetto. Je n'aime pas parce que c'est algérien. Je ne sais pas segmenter. Bien qu'il faut bien situer les gens, mais le contenu d'un roman, doit être universel.»