Sans les citer nommément, il leur reproche de s'être adressés à l'armée. La direction du FIS-dissous, basée à l'étranger, vient de rendre public un véritable brûlot relatif aux évènements politiques actuels. «Il est indéniable que la frange politique qui continue son mercenariat et qui aspire à de hautes fonctions dans l'Etat en faisant les yeux doux aux militaires, assure une part importante de responsabilité dans l'absence de l'Etat de droit et la soumission de la volonté populaire et de la vie politique au pouvoir militaire en Algérie.» La sortie, somme toute inattendue, semble viser directement le groupe des onze. Ce sont, en effet, eux qui ont pris la décision de saisir l'ensemble des institutions du pays, y compris l'armée, en vue d'empêcher la présidence, le gouvernement et les collectivités locales de frauder en faveur du président-candidat et de faire en sorte que l'ensemble des prétendants à l'accès à la magistrature suprême jouissent des mêmes chances et de moyens sensiblement égaux. Une pareille sortie s'explique, somme toute, par la haine innée que voue la direction du parti dissous à l'institution militaire, ainsi qu'à l'ensemble des acteurs qui se trouvent derrière l'interruption du processus électoral en janvier 1992. Il est, en effet, clair que la démarche des onze s'inscrit dans une logique que ne saurait contester ni le droit ni la morale. Des membres de ce groupe, joints, hier par téléphone, ont tenu à rappeler avoir salué la neutralité de l'institution militaire, exigeant que les autres institutions suivent cet exemple. Cela n'a pas été le cas. Pire encore, le retrait brusque d'une armée qui a toujours joué un rôle de premier ordre dans les joutes et choix politiques algériens semble avoir créé un grave déséquilibre dans les rapports de force, qui fait craindre des dérapages aux conséquences trop lourdes à assumer pour un pays qui se relève à peine d'une guerre aux 200.000 morts, aux millions de victimes directes et indirectes, aux milliards de dollars de pertes matérielles et aux milliers de disparus dont le sort reste ignoré pour leurs familles et ceux qui se battent en faveur de la justice et de la vérité. Sur un autre registre, le communiqué, qui avait promis de «statuer» sur l'initiative nationale populaire, propre à Abassi Madani, déclare «à l'opinion publique que, tout en valorisant les principes fondateurs de cette initiative, le succès ou l'échec d'une telle approche est conditionné par la réaction des diverses parties à cet appel». Le communiqué, qui omet de souligner que l'appel d'Abassi Madani a laissé indifférente la quasi-majorité de la classe et personnalités politiques, précise qu'il s'agit d'un «appel à tous les Algériens, quelle que soit leur orientation idéologique ou couleur politique, pour contribuer à mettre fin à la tragédie et résoudre la crise politique en Algérie». Evitant d'écorcher les partis politiques, même ceux que l'initiative d'Abassi laisse indifférents, le communiqué en rend responsable «le pouvoir qui gouverne l'Algérie, au-delà des clans qui le composent (...) constituant ainsi la principale partie qui s'oppose à toute tentative sérieuse et saine pour résoudre la crise». Le document, signé par Mourad Dehina, revient également sur les «harcèlements policiers et judiciaires dont est victime Ali Benhadj». Il est ainsi souligné que «parmi les manifestations des pratiques totalitaires de ce pouvoir, subsiste la répression des libertés, notamment les violations flagrantes des droits fondamentaux des cadres du FIS, avec, à leur tête, cheikh Ali Benhadj». La direction du FIS dissous basée à l'étranger avait déjà rendu public un communiqué virulent à la suite de la dernière interpellation de Benhadj et de la transmission d'une plainte à un magistrat instructeur dans le but d'empêcher Benhadj de multiplier ses «intrusions» sur la scène politique à quelques semaines à peine de la présidentielle.