Moins d'un mois après la visite en Israël et en Palestine, du président américain, Barack Obama, c'était, hier, au tour de son secrétaire d'Etat, John Kerry, de se rendre au Proche-Orient. Il est chargé de relancer le processus de paix en panne depuis belle lurette. Comme il y a plusieurs plans de paix, il est précisé que Kerry devra remettre sur les rails celui de 2002 qui a été approuvé par le sommet de la Ligue arabe. Ce plan prévoit une paix globale conditionnée par le retrait israélien de tous les territoires occupés en 1967. C'est précisément à cette condition de retrait que toutes les tentatives de relance du processus de paix avaient buté jusque-là. Revenir aux frontières d'avant la guerre des Six-Jours de 1967 est inconcevable pour Netanyahu, le Premier ministre israélien. Il n'est pas question pour lui de se retirer de Cisjordanie, de la bande de Ghaza et encore moins restituer le Golan à la Syrie. C'est sur ce point de friction que les relations entre Netanyahu et Obama sont tendues depuis des années. Si le président américain revient aujourd'hui à la charge, il doit avoir de bonnes raisons, mais aussi de nouvelles cartes en main. Lors de sa visite à Tel-Aviv, en mars dernier, Obama avait déclaré «être venu pour écouter seulement». John Kerry semble avoir la même feuille de route «d'écouter seulement», mais avec, tout de même, la relance du processus de paix en concomitance. Cela a l'air compliqué. Effectivement que le dossier est lourd. Il y a, toutefois, des signes qui permettent une meilleure compréhension. John Kerry est passé, hier, par la Turquie dans sa route vers le Proche-Orient. A Istanbul, il a insisté sur le rôle «clé» que peut jouer, selon l'administration américaine, la Turquie dans la relance du processus de paix. Pour lui faire jouer ce rôle, Obama avait pris ses devants pour réconcilier Ankara avec Tel-Aviv qui étaient en brouille depuis 2010. Depuis l'assaut des militaires israéliens sur un bateau humanitaire en route pour Ghaza et qui s'est soldé par la mort de neuf Turcs. Le tour de force d'Obama, qui n'était venu que pour «écouter», a été de persuader Netanyahu à présenter des excuses à la Turquie. Ce que fit le Premier ministre israélien. Ce qu'a accepté Erdogan le Premier ministre turc. C'est la première fois dans l'histoire, que l'Etat hébreu se plie à une telle exigence. Il faut croire que les arguments d'Obama étaient très «frappants». Une «force de frappe» tirée de la menace nucléaire que fait peser l'Iran sur Israël. Les Etats-Unis restent la seule protection contre une telle menace. D'ailleurs, avant son périple dans la région, Obama avait tenu à rappeler qu'il ne laisserait jamais l'Iran détenir l'arme nucléaire. Tout en rappelant que l'Iran pourrait posséder cette arme dans une année. Toute la subtilité est là. Traduit, cela donne: «Je vous protégerais mais vous devez m'écoutez!». Tout est dans «l'écoute». Netanyahu visiblement est revenu à de meilleurs sentiments puisqu'il a écouté Obama et présenté ses excuses à Erdogan. Reste à savoir jusqu'où ira la capacité «d'écoute» du Premier ministre israélien. Lui qui met les bouchées doubles pour installer de nouvelles colonies dans les territoires occupés, acceptera-t-il de les démanteler pour revenir aux frontières de 1967 comme l'exige Obama? Il y a des chances de le croire. Sinon, Obama n'aurait pas envoyé Kerry pour traiter d'un sujet s'il n'avait pas bien mesuré, lors de sa visite en mars dernier, la faisabilité. L'autre carte dont dispose le président américain est le poids que lui confère son dernier mandat. Netanyahu n'est pas dupe. Il va se surpasser dans son art de faire traîner la relance jusqu'à la prochaine élection présidentielle américaine. Le processus de paix est gelé par Israël depuis Oslo, en 1993. Tenter de le faire traîner encore jusqu'en 2016? Forte probabilité!