La télévision publique promet de faire une place aux minorités. Les autorités françaises ne veulent pas échouer dans le dossier de la représentativité des Français d'origine étrangère. Engagé dans une certaine confusion, il est devenu un enjeu stratégique pour la droite aux commandes de l'Etat. Et pour ne pas paraître comme un leurre, la désignation du préfet «issu de l'immigration» ne doit pas paraître isolée. C'est ce qui explique la décision de la télévision publique de s'engager à son tour dans le chantier. Le P-DG de France Télévision Marc Tessier s'est engagé à faire une place aux minorités à l'écran. Cette «action positive en faveur de l'intégration» se décline en deux volets: le premier concerne une «présence visible» à l'antenne des «diverses composantes constitutives de la société française», couplée à une «politique sociale pour faciliter l'intégration» desdites composantes dans le monde de la télé. Bientôt donc, les Noirs, les Maghrébins, les Chinois...seront davantage présents sur les plateaux et dans les fictions. Ils pourront même camper des «personnages positifs», des héros et des justiciers. Exit le «rebeu» (beur) ou le «renoi» (noir) synonymes de voleur et de dealer. Marc Tessier a indiqué avoir demandé aux producteurs de jeux et de débats de «veiller à la diversité» de leurs invités. Le patron de l'audiovisuel public ne parle ni de «discrimination positive», ni de «quotas.» Il est vrai que le Haut Conseil à l'intégration a enterré la formule de Nicolas Sarkozy et préféré la «promotion positive», même si le contenu reste le même. Marc Tessier veut cependant une représentativité à l'image du poids des minorités, «entre 10 et 15 %». L'autre volet du plan concerne le recrutement de journalistes, techniciens, etc. Plus facile à dire qu'à faire de l'aveu même de Marc Tessier qui reconnaît que le sujet est «beaucoup plus délicat». Mais pas question de faire de favoritisme. Seule la compétence primera. Pour y parvenir, plusieurs mécanismes sont prévus: développement des partenariats avec les écoles d'audiovisuel, emplois en alternance (contrats d'apprentissage ou de qualification) plus ouverts aux minorités ou prise en compte pour les CDD «à compétence équivalente des notions d'origine»...Pour aller plus vite, France 3 procédera à la formation de «30 journalistes ou techniciens de médias communautaires» (des radios et télés s'adressant à des minorités). Au total, France Télévision devrait embaucher «80 à 100» personnes en 2004. Emporté par son enthousiasme, le P-DG de France Télévision imagine un Noir ou un Arabe, présenter le journal télévisé. «C'est précisément le but de cette action, affirme Marc Tessier. «Faire émerger des personnalités capables, par exemple, de présenter le 20 heures». Il y a quelques jours, ce sont les patrons qui ont rendu public un plaidoyer pour l'«affirmative action» (discrimination positive) à la française. Le rapport élaboré par l'institut Montaigne - club de réflexion - a clairement mentionné que «la fonction publique, les sphères de commandement dans le monde de l'économie, le secteur scientifique et médical ne se transformeront pas d'eux-mêmes et ne se diversifieront pas spontanément...Confrontés à un problème systémique, il nous faut donc des réponses systémiques». Ce rapport, intitulé les Oubliés de l'égalité des chances, a été rédigé sous la houlette de Yazid Sabeg, grand patron franco-maghrébin de 54 ans né à Guelma. Une exception française. Pour que les «minorités visibles» (Maghrébins, Noirs, Asiatiques et Turcs) soient représentées dans les entreprises, l'institut Montaigne propose aux sociétés de plus de 100 employés une «charte de la diversité qui «valorisera la diversité dans les politiques de recrutement, de promotion professionnelle et de salaires». Reste à savoir combien d'entreprises courront après ce label. De notre Bureau à Paris