Le Premier ministre israélien passe à l'action en dévoilant une partie de son projet de «séparation». Comme un somnambule, le général Sharon navigue à vue, pressé autant par les évènements dans les territoires palestiniens occupés que par la communauté internationale et ses amis américains. Le Premier ministre israélien devait absolument jeter du lest et un désengagement de la bande de Ghaza pouvait constituer un «bon début», et montrer la «disponibilité» de la partie israélienne à jouer le jeu de la paix. Un geste fort de Sharon, cela à peu de frais, tant que stratégiquement que politiquement la bande de Ghaza n'est pas essentielle dans la sécurisation de l'Etat hébreu. De fait, malgré la montée au créneau de l'extrême droite et des partis religieux, qui s'opposent à tout retrait de la bande de Ghaza, le chef du Likoud et du gouvernement israélien, joue en vérité sur du velours. Comme cela, il se débarrasse de Ghaza pour mieux accaparer la Cisjordanie. Les chiffres parlent d'eux-mêmes, Ghaza n'est pas important dans la stratégie de défense d'Israël. Ce petit territoire de 256 km2, dont 33% de la superficie sont occupés par les colons juifs israéliens, au nombre de 7 500, (selon les chiffres officiels israéliens), contre 1,2 million de Palestiniens parqués dans les 67% restants du territoire, ne constitue pas le rempart de la survie de l'Etat hébreu. Mais cette asymétrie montre à elle seule toute l'humiliation qui est faite aux Palestiniens quand les 7500 colons juifs vivent à l'aise sur le 1/3 du territoire de Ghaza. C'est un peu le cas de la colonie juive de Keriat Arba (400 personnes) implantée au coeur de la ville palestinienne d'El Khalil (Hébron, 120.000 habitants). Ces points de colonisation juive mobilisent depuis quarante ans l'armée israélienne, devenue une armée d'occupation mise au service de la minorité de colons et de la colonisation. Or, la sécurité de l'Etat hébreu, qui semble être le premier souci des gouvernants israéliens, serait mieux assurée par l'existence d'un Etat palestinien indépendant que par le maintien de l'occupation. De même que le désengagement israélien de la bande de Ghaza, de la Cisjordanie et d'El Qods-Est est la condition sine qua non de la mise en oeuvre de la «feuille de route», plan de paix international parrainé par le quartette (USA, ONU, UE et Russie). C'est seulement une fois acculé, autant par la détermination des Palestiniens, que par la construction du mur de l'apartheid, dont le contentieux est arrivé devant la Cour internationale de Justice de La Haye (CIJ) qui en examinera les retombées le 23 février prochain, que le Premier ministre israélien a pris la décision de «séparation» avec les Pales-tiniens, avec notamment l'évacuation des colons de 17 des 21 colonies juives érigées dans la bande de Ghaza. Cette décision a certes soulevé le tollé des colons juifs de Ghaza et parmi les extrémistes de droite, le Parti national religieux et l'Union nationale qui menacent même de quitter le gouvernement. C'est au sein des Travaillistes, qui militent pour une telle issue, que Sharon trouve en fait le soutien souhaité à ses nouveaux projets. Par ailleurs selon un sondage publié par la presse israélienne, 59% des Israéliens approuvent le démantèlement des colonies juives de Ghaza, évoqué par le Premier ministre, contre 34% et 7% sans opinion. C'est dire que la société israélienne comprend mieux les motivations de Sharon qui se dit prêt à provoquer des élections anticipées ou, à tout le moins, à former une nouvelle coalition, sans doute avec les Travaillistes, si les religieux et les Nationalistes mettent à exécution leur menace de quitter le gouvernement. D'ailleurs, dans une déclaration à la radio publique, Sharon indique «Sur cette question (le démantèlement) je regarde en avant. Cela est sans aucun doute douloureux. Mais je suis parvenu à la conclusion qu'il fallait procéder à cette démarche pour assurer la sécurité d'Israël. J'ai pris cette décision, et j'entends l'appliquer». Faisant écho aux déclarations de son homologue israélien, le Premier ministre palestinien, Ahmed Qorei, a affirmé: «Nous accueillons favorablement tout processus menant au retrait de l'occupation des terres palestiniennes». De son côté, le ministre chargé des négociations, Saab Erakat, quelque peu sceptique indique: «Je crains, qu'une fois de plus, nous ayons affaire à des déclarations destinées à la consommation publique et à un exercice de relations publiques». Il faut cependant relever également que, parmi les dirigeants israéliens, Sharon, porte-parole de la droite dure du Likoud, a été aussi celui qui a pris les décisions les plus difficiles comme celles qui ont suivi l'accord de Camp David avec l'Egypte en 1979. Sharon alors ministre de la Défense du gouvernement de Manaheim Begin imposa aux colons juifs d'évacuer le Sinaï. Le même personnage semble aujourd'hui se trouver face au même challenge. Comme quoi la paix avec les Palestiniens, comme avec les Egyptiens hier, à un prix: l'évacuation des territoires palestiniens. Ce qui est vrai pour la bande de Ghaza, l'est également pour la Cisjordanie et Jérusalem-Est, comme l'a déclaré mardi Sharon au quotidien Maariv à propos de Ghaza «Je pense qu'à long terme il est préférable pour Israël qu'il n'y ait plus de colonies juives dans la bande de Ghaza». C'est seulement une fois que les Israéliens auront compris que la sécurité d'Israël a un prix, celui de la cohabitation avec l'Etat palestinien, qu'il y aura alors l'espoir de voir résolu le douloureux dossier israélo-palestinien.