L'initiative de paix des anciens ministres palestinien, Yasser Abed Rabbo, et israélien, Yossi Beilin, a le mérite de lever certains voiles. L'Initiative de Genève - présentée officiellement le 1er décembre dans la grande métropole suisse -, un plan de paix de plus, ont susurré d'aucuns, mais plan qui semble aujourd'hui avoir au moins un mérite - à défaut d'avoir l'adhésion de la communauté internationale - celui de dévoiler la vraie nature du Premier ministre israélien, Ariel Sharon, seul et véritable obstacle à la paix entre les communautés arabe et juive. Et rien que pour cela, les initiateurs palestiniens et israéliens de cet énième plan de paix auront d'ores et déjà accompli leur mission. Opposé à l'initiative de Genève, dès l'annonce faite par ses promoteurs, Sharon s'est ainsi inscrit en faux contre toutes les tentatives de concilier les positions des Palestiniens et des Israéliens en vue de parvenir à une paix négociée profitable aux deux peuples. Or, il est patent que le Chef du gouvernement israélien a une autre idée et concept de la paix qui, selon lui, se résume à la soumission du peuple palestinien au diktat israélien. Les assassinats ciblés d'hommes politiques et de responsables de la sécurité palestiniens, la destruction des infrastructures et des habitations palestiniennes, la construction du «mur» qui empiète sur les territoires palestiniens - construction condamnée par l'ensemble de la communauté internationale et par l'Assemblée générale des Nations unies - sont autant d'initiatives prises ces trois dernières années contre la paix par Sharon. Aujourd'hui, la chose commence à se savoir et le chef du gouvernement israélien n'arrive plus à tromper que ceux qui veulent bien l'être. Il en est jusqu'à Washington qui commence à être irrité par les manoeuvres dilatoires du Premier ministre israélien, lequel est allé jusqu'à prétendre dissuader Washington de recevoir les deux responsables palestinien, Yasser Abed Rabbo, et israélien, Yossi Beeeeilin, principaux initiateurs du plan de paix civil, venus présenter et défendre auprès des Américains leur «Initiative de Genève». De fait, ne s'arrêtant pas aux dénégations israéliennes, de Rabat où il se trouvait mardi, le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, a fait savoir qu'il recevra les deux hommes, sans doute demain, dès son retour à Washington. Cette réception par le chef de la diplomatie américaine, de MM.Abed Rabbo et Beilin, constitue en fait un nouvel échec pour Ariel Sharon, déjà isolé sur la question du mur, que l'armée israélienne d'occupation continue de construire en Cisjordanie, malgré la condamnation de la communauté internationale. Certes, cette rencontre n'implique pas forcément la reconnaissance par Washington de l'Initiative de Genève, mais au moins montre-t-elle que les Etats-Unis font l'effort d'écouter d'autres points de vue sur le dossier israélo-palestinien. D'ailleurs, dans une de ses déclarations, Colin Powell a indiqué: «Je rencontrerai ceux qui ont des points de vue différents (sur le processus de paix au Proche-Orient), y compris ceux qui ont présenté un plan à Genève.» De fait, selon des sources proches du département d'Etat, cette rencontre pourra avoir lieu dès demain, après le retour de Colin Powell de son périple en Europe et au Maghreb. De fait, le secrétaire d'Etat américain, a déjà eu à s'exprimer sur l'Initiative de Genève, indiquant apprécier les «efforts pour promouvoir une atmosphère d'espoir», confirmant cependant que les Etats-Unis restaient «engagés dans (...) ‘‘feuille de route'' qui montre la voie à suivre pour aller de l'avant», en référence au plan de paix international. Condamnée par Sharon, l'Initiative de Genève est, en revanche, officieusement, soutenue par Arafat. Il en est de même pour la «feuille de route», le plan de paix international, présenté par le quartette (USA, ONU, UE, Russie), accepté par les Palestiniens, mais avec beaucoup de réserves par les Israéliens, lesquels ne souscrivent pas à plusieurs points du plan qui prévoit notamment, outre la fin de la violence, le démantèlement des colonies juives dans les territoires palestiniens occupés et l'érection d'un Etat palestinien d'ici à 2005. Les tergiversations israéliennes, montrent à quel point ces derniers veulent imposer, dans le Proche-Orient, la «paix israélienne» aux Palestiniens et à la communauté internationale. Ce qui n'est pas la voie la mieux indiquée pour parvenir à une paix qui garantisse la sécurité à l'ensemble des peuples de la région, y compris le peuple palestinien. De fait, de plus en plus agacé par les foucades de Sharon, Washington aurait récemment fixé des «limites», assorties de trois «non» à Israël, selon le quotidien israélien Ha'aretz: non à toute atteinte au dirigeant palestinien, Yasser Arafat, non aux décisions «compromettant l'équilibre régional», non «au fait accompli gênant la création d'un Etat palestinien». C'est pourtant exactement ce qu'entreprend Sharon, en maintenant quasiment en détention le dirigeant palestinien, depuis plus de deux ans, en construisant le mur qui défigure la Cisjordanie, rendant peu fiable l'existence d'un Etat sur un territoire morcelé à l'extrême et placé sous le joug des colonies juives. En réalité, le principe de ne rien «imposer» à Israël, outre ses limites, est totalement improductif dans une situation telle que celle du Proche-Orient.