D'une durée de 95 minutes, cette comédie légère trouvera certainement un écho favorable auprès des fans de la série télé Aïcha... Un faux air de Thelma et Louisa et un clin d'oeil à Just like the woman de Rachid Bouchareb. La ressemblante? Deux femmes que tout sépare sont amenées à se rencontrer et se lier d'amitié grâce à l'amour de la musique (la danse dans le long métrage de Rachid Bouchareb) mais là s'arrête la comparaison. Car si dans le premier film, cet attachement à l'art comme catharsis se veut surtout une fin en soi, dans le film de Françoise Charpiat, la musique se veut surtout libératrice et un moyen d'arriver à trouver sa voie dans la vie, se retrouver enfin en étant libre et soi-même. Dur en effet de trouver son chemin et cela ne se fait pas sans heurt ni sacrifice. Un prix à payer obligatoire pour que nos deux personnages principaux féminins retrouvent enfin la paix de l'âme. L'histoire raconte donc quoi? Et, bien, Djamila interprétée brillamment par la belle Rachida Brakni, fille d'immigrés emménage dans une cité en face de chez ses parents. Seule, elle croit mener la vie qu'elle entend, autrement pouvoir fréquenter comme cela lui chante son collègue et amant Fred, quand elle veut. Mais pour qu'elle puisse emménager seule, elle accepte le deal de sa mère, celui de se fiancer avec Ahmed, un Algérien du quartier. Djamila, à l'apparence d'une femme forte, a pour voisine de palier, une femme au look extravagant. Emma alias Isabelle Carré, mère qui élève ses deux enfants en proie à de nombreuses difficultés financières et refusant l'aide de l'assistance sociale. Emma n'a personne et s'accroche à son amour du passé, son mari décédé dans un accident de moto. Pour égayer ses journées monotones, elle se déguise, joue du jembé et essaie tant bien que mal de faire le bonheur de ses enfants. Djamila elle, dont tout semble réussir (une situation matérielle stable) est plutôt un être tourmenté. Elle n'arrive pas encore à couper le cordon ombilical comme la plupart des familles maghrébines. Sa mère, interprétée par Beyouna dans l'éternel rôle de la mama tyrannique, lui met la pression. Entre l'incompréhension de son ami français complètement à côté de la plaque, car imperméable à ses problèmes, Djamila trouve le salut et plutôt refuge dans l'image sublimée de sa grand-mère, une ancienne chanteuse de cabaret, célèbre dit-on à l'époque en Algérie, chaba Louisa. Djamila qui interprète le rôle de cette femme diva, passe du temps dans sa chambre à contempler en cachette ces images d'archives en noir et blanc. En cachette car il est interdit formellement de citer son nom dans la maison. Sa mère refuse catégoriquement. Au de-là de l'image sulfureuse qu'elle entraîne ou suggère, en vérité la raison du rejet de chaba Louisa par la mère de Djamila est encore plus profonde. Dans ce long métrage de 95 mn, les deux scénaristes (la réalisatrice et Meriem Hamidat) ont réussi le pari de tordre le cou à certains clichés sur les banlieues par une somme de situations cocasses et burlesques pour les pulvériser par la suite. L'histoire est bien ficelée bien qu'elle remet toujours sur le tapis les complexités d'intégration pour certains immigrés (le couple Djamila/Fred n'a pas fonctionné, car trop éloigné culturellement peut-être?) Toutefois, ce phénomène-là est secondaire devant la complexité du personnage de Djamila qui se trouve ballotté entre deux univers différents, pire, tiraillé entre son rêve de chanteuse et sa mère castratrice. Ce sentiment perdure-t-il encore en France aujourd'hui ou tente-on encore à le fortifier? Remarque, dans les familles défavorisées cela semble peut-être le cas. Meriem Hamidat qui nous avouera être issue d'une famille pauvre, souligne en effet cette contradiction très forte qui existe dans les familles maghrébines, celle d'une maman très attachée aux traditions, mais qui veut paradoxalement que ses enfants parlent très bien le français pour s'intégrer dans la société quitte à perdre leur langue maternelle. Certains y verront là encore un cliché décliné sous la force de l'autodérision, mais tant que cela existe, ne serait-ce que chez une infime partie de la population d'immigrés, on ne peut qu'en rire finalement. Car rire de soi, c'est déjà prendre du recul et avancer. Si dans Chaba Louisa c'est plutôt la mère qui porte la culotte, le père alias Sid Ahmed Agoumi, se veut tendre et proche de sa fille car fans tous les deux de cette ancienne artiste déchue. Et si entre Ahmed et Fred se trouverait le juste milieu? Serait-ce le jeune patron à la fois du resto et du cabaret qui proposera à Djamila de venir chanter? Seul le hors champ nous le dira un jour. Une autre histoire celle-là qui s'écrira peut-être dans le prochain épisode! Evoquant la genèse de ce film, Françoise Charpiat, fera indiquer lors du débat qu'elle voulait faire un film sur les cabarets tout en ajoutant un peu loin aussi, un film en réaction «au débat sur l'identité nationale» en vogue en France sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Si la musique et les chansons du film, plus ou moins entraînantes signent la patte du chanteur Rachid Taha, par ailleurs présent à la projection, ces dernières, interprétées au demeurant par Rachida Brakni n'étaient pas dans la juste mesure du propos, ce qui nous fait dire qu'on préfère de loin Rachida Brakni comme actrice et de loin comme chanteuse. Enfin, le film qui sort en France le 8 mai est d'ores et déjà à l'affiche à Alger, en attendant d'être vu dans d'autres villes en Algérie et au Maghreb.